L’indépendantisme peine à retrouver une dynamique sur son terrain de prédilection: la mobilisation dans la rue.
La gouvernement de Catalogne est dirigé par Quim Torra du parti Junts per Catalunya (centre droit) de Carles Puigdemont. Un pouvoir partagé avec la gauche républicaine indépendantiste (ERC). Deux mouvements qui cohabitent tout en rêvant de faire chambre à part. Le couple politique projette son divorce qui sera prononcé lors des prochaines élections catalanes. Bien sûr, chacun veut garder la maison: le Palau de la Generalitat. En attendant, les scènes de ménages politiques constantes démotivent le mouvement indépendantiste dans la rue. Hier, 1er octobre pour le second anniversaire du référendum, moins de 50.000 personnes défilaient à Barcelone. Beaucoup de militants du premier cercle ne comprennent pas pourquoi le combat pour obtenir la République catalane se transforme en lutte d’appareils politiques ivres de pouvoir.
Dans le fond, il y a une réelle divergence entre Junts per Catalunya et ERC. Les premiers veulent un choc avec le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez. Les second veulent former une digue de contention pour que le président Torra ne prenne pas une action unilatérale qui conduira à la suspension des institutions catalanes et une nouvelle vague de répression espagnole.
Les Mossos d’Esquadra sous surveillance
Le ministère de l’Intérieur catalan dirigé par un proche de Quim Torra, l’ultra-indépendantiste Miquel Buch, est en ébullition. Les regards sont braqués sur les Mossos d’Esquadra, chargés du maintien de l’ordre lors de l’annonce du verdict de la sentence du procès indépendantiste qui tombera dans les quinze prochains jours. Un corps de police attaqué de toute part: unioniste pour les plus séparatistes et milice indépendantiste pour les défenseurs de l’unité de l’Espagne. Alors que l’ensemble des Mossos ressemble au reste de la société catalane: coupé en deux politiquement.
En revanche, Quim Torra a mis un coup de barre indépendantiste au sein de la direction politique du ministère. Pour avoir exhibé en début de semaine dernière de nouveaux gaz de piment éventuellement utilisés par les Mossos dans les manifestations post-verdict, la directrice de communication du ministère a été limogée sans ménagement. Joana Vallès, fonctionnaire historique du ministère et politiquement modérée a été remplacée par l’ultra-indépendantiste Joan-Maria Piqué. Ancien directeur de communication d’Artur Mas et Carles Puigdemont, ce membre de l’Opus Dei déteste tout ce qui provient de Madrid et fait partie des jusqu’au-boutistes du mouvement indépendantiste. Dans la même veine, hier c’est le directeur de la police Andreu Martínez, figure centriste poche d’Artur Mas qui laisse sa place au plus radical Pere Ferrer. Des manoeuvres des durs du séparatisme qui toutefois sont à relativiser avec les peines de prison qu’encourt la cellule du ministère de l’Intérieur s’ils poussent les Mossos à franchir la frontière de la légalité constitutionnelle.
Coup de frein
Le président d’ERC Oriol Junqueras, incarcéré depuis deux ans et qui risque une peine de 25 ans lors du verdict, tente de freiner les ardeurs de Quim Torra. « Nous ne voulons plus de suicides ni de martyrs » dit-il en substance aux cadres de son parti. Sans abandonner l’indépendantisme, ERC veut une sortie de crise négociée avec Madrid. ERC fera tout ce qui est en son possible pour freiner Carles Puigdemont et Quim Torra. Un objectif compliqué, les petits partis indépendantistes, les intellectuels souverainistes, les influenceurs des réseaux sociaux veulent aller encore plus loin que Puigdemont. ERC est sous le couperet qui peut décapiter tout indépendantiste: l’accusation de trahison à la cause.
Avec cette division, l’indépendantisme prend le risque de se décrédibiliser, surtout internationalement, si le nombre de manifestants est inférieur aux prévisions. « Entre les plus radicaux qui parlent de violence et les bisounours qui proposent d’organiser une paella géante pour répondre au verdict il faudrait un juste milieu » nous confie Marta, une étudiante indépendantiste. « J’irais manifester une seule fois après le verdict pour dire que je ne suis pas contente, mais c’est tout car le gouvernement catalan ne propose rien de serieux » se désole la jeune militante affirmant que l’ensemble de ses amis de sa fac Pompeu Fabra est dans le même état d’esprit.
Le mois d’octobre sera une nouvelle fois décisif pour les indépendantistes. Un mouvement qui cependant est habitué aux coups de théâtre chroniques.