L’Eglise Catholique profite du généreux système espagnol pour financer une chaîne de télévision avec l’argent du contribuable. La sulfureuse 13TV, propriété de l’Eglise, émet sur le TNT. Un canal TV en faillite permanente, qui survit grâce à 91 millions d’euros d’argent public engouffrés depuis sa création.
Le chemin de l’Espagne pour arriver vers la laïcité reste encore long. En France, la relation financière entre l’Etat et les religions est clarifié depuis 1905 via la fameuse loi régissant le régime laïque de l’ancienne fille aînée de l’Eglise. Les bâtiments religieux construits avant 1905 appartiennent à l’Etat français et les cultes doivent se financer d’une manière autonome et indépendante de l’argent du contribuable. L’exact inverse de l’Espagne où l’Église catholique empoche chaque année environ 250 millions de finances publiques.
L’Espagne, historiquement catholique, religion officielle de la dictature franquiste, entretient des liaisons dangereuses avec le mouvement du Pape François. En 1953, pendant le régime du dictateur Franco, le Vatican et le gouvernement espagnol ont signé un concordat impliquant que « l’Eglise et l’Etat étudieront d’un commun accord la création d’un patrimoine (…) en établissant des dispositions et des exonérations fiscales des biens et activités ». Au retour de la démocratie en 1979 fut rédigé un accord entre l’État espagnol et le Saint-Siège sur les affaires économiques, dans lequel il était établi que « l’Espagne s’engage à collaborer avec l’Église catholique pour lui obtenir un soutien économique suffisant ».
De 1979 à 2007, c’était open bar : chaque année lors de la discussion budgétaire, le parlement espagnol déterminait la somme allouée à l’Eglise catholique ponctionnée sur le budget général de l’Etat. En 2007, le premier socialiste José-Luis Zapatero a essayé -très relativement- de limiter le débit du robinet financier alimentant le catholicisme. Désormais, les représentants espagnols du Vatican seront financés via l’impôt sur le revenu, moyennant volontariat du contribuable. Concrètement, lors de sa déclaration fiscale chaque citoyen espagnol peut cocher une case permettant à l’Eglise Catholique d’empocher 0,7% de l’impôt sur le revenu. Une démarche qui permet à l’Eglise d’encaisser 250 millions d’euros à chaque exercice fiscal. Grâce à cette manne, l’Eglise peut se permettre de monter divers projets dont 13 TV, une chaîne de télévision classée à l’extrême-droite, qui reçoit chaque années 20 millions d’euros sortis de la bourse du contribuable.
Dérapages sulfureux
La TNT espagnole, que l’on qualifie souvent de “TNT Party” en référence au très droitier “Tea Party” nord-américain, est réputée pour diffuser des chaines sulfureuses. Au début des années 2010, la chaîne Intereconomia tenait le haut du pavé. Ce canal était entré en résistance contre le gouvernement socialiste de Zapatero en diffusant des campagnes contre le mariage homosexuel, contre l’avortement, en faveur des convictions catholiques et nationalistes. La chaîne ne cachait pas ses sympathies envers le régime du dictateur Franco.
Dans le programme phare El Gato al Agua, tous les soirs, des débatteurs classés à droite ou à l’extrême droite, venaient y commenter l’actualité. Le programme était animé par Antonio Jimenez et se terminait souvent en un bombardement de dérapages. Un des plus marquants fut ce soir de juin 2010 lorsqu’un polémiste se disant falangiste (le parti politique du dictateur Franco) a traité de “salope” la ministre catalane de la santé. La chaîne a été condamnée à 20.000 euros d’amende pour insulte publique. Suite à des difficultés économiques, les stars d’Intereconomia ont quitté la chaîne. Antonio Jimenez a atterri sur la fameuse 13TV pour continuer son show El Gato al Agua désormais sous le nom d’El Cascabel.
Comme tout média sulfureux, 13TV n’arrive pas à se financer avec la publicité. La chaîne est en faillite permanente et continue à émettre grâce à son unique actionnaire : l’épiscopat qui refinance chaque année son média à coups de dizaines de milliers d’euros d’argent public.
Le business médiatique de l’Eglise espagnole
L’opération est sensible, car le financement public de l’Eglise, qui n’est soumis à aucun contrôle, n’est pas censé être investi dans des opérations commerciales à but lucratif. Or, même si elle est déficitaire, en ayant engouffré 91 millions de euros de perte depuis son lancement en 2010, Trece TV est une entreprise commerciale, une société anonyme appartenant à l’épiscopat espagnol, enregistrée sous le nom de Trece TV S.A.
L’épiscopat espagnol possède également une radio droitière, « La Cope« , une station qui elle est rentable. La société Radio Popular S.A dégage chaque année un bénéfice de près de 6 millions d’euros. Comme il n’y a pas de petits profits, l’Eglise n’utilise pas l’argent de sa radio pour renflouer sa tv, mais continue inlassablement à chaque exercice comptable de piocher dans les généreuses dotations publiques.