L’Espagne: le blocage politique permanent

Les élections législatives ont eu lieu le 26 avril dernier, et l’Espagne n’aura pas de gouvernement au plus tôt avant fin juillet. Chronique d’un blocage permanent. 

Le mot stabilité a été banni du dictionnaire politique espagnol. Crise catalane, crise économique, crise politique, le pays peine à trouver un rythme de croisière dans le fonctionnement normal de ses institutions. Le dernier exemple est le blocage autour de l’investiture du Premier ministre et de son gouvernement. Le 26 avril dernier, le chef du gouvernement sortant, le socialiste Pedro Sánchez a remporté l’élection législative avec une majorité toute relative de 123 députés sur un total de 350. Pour arriver à une majorité absolue et gouverner, il doit pactiser avec la gauche radicale de Podemos, les nationalistes basques et les indépendantistes catalans.

Opération Europe

Pedro Sánchez, qui gouverne actuellement le pays par intérim, est dans une attitude de séduction envers ses partenaires européens du nord: l’Allemagne et la France. Pedro Sánchez a bien compris que l’Italie et la Grèce, dirigés par les extrémistes de droite et de gauche, ont perdu la confiance du couple franco-allemand et de la commission européenne. Le Premier ministre n’a donc aucune envie de s’embarrasser d’alliés en marge du système, comme Podemos ou les indépendantistes catalans.

Pedro Sánchez veut rassurer, et prend son temps. La première tentative d’investiture est fixée au 25 juillet prochain, soit trois mois après les élections. Podemos, pour accorder son vote favorable aux socialistes, demande d’entrer au gouvernement. « Non » a répondu vertement Pedro Sánchez. Le chef du gouvernement ne veut pas de ministres de gauche radicale qui effraieraient les marchés financiers, les entreprises et l’Europe. Par ailleurs, la réaction de Podemos quand tombera la sentence du procès judiciaire des indépendantistes à l’automne est jugée à risque par les socialistes. Podemos est en faveur de l’exercice du droit à l’autodétermination catalan et contre l’incarcération des politiques indépendantistes. Si un ministre de Podemos devait commenter cet automne une sentence qui infligerait plus de dix ans de prison à un indépendantiste, l’unité gouvernementale pourrait rapidement exploser. Un prix trop élevé à payer selon la Moncloa, qui en plus ne garantit pas la majorité absolue.

En plus des 42 députés de Podemos, il faut que les socialistes obtiennent au moins l’abstention des partis indépendantistes. Un vote en blanc des Catalans qui semble aujourd’hui accessible tant Barcelone baisse le ton face aux socialistes. Cependant, le flirt avec l’indépendantisme n’est pas non plus bien perçu dans les cercles madrilènes et européens.

Alliance droite-gauche

Le scénario favori de Pedro Sánchez passe par une abstention des droites de Ciutadans et du Partido Popular afin de laisser gouverner les socialistes en minorité. Une hypothèse applaudie des deux mains par les décideurs financiers et européens. Mais pas par les principaux intéressés. Ciudadanos et le Partido Popular ne veulent pas donner d’oxygène à Pedro Sánchez. Au contraire, les droites attendent la mise en place de la politique du pire. Un gouvernement socialiste/Podemos soutenu par les indépendantistes serait une catastrophe et pourrait permettre à la droite de se refaire un électorat selon les stratèges conservateurs et libéraux.

De nouvelles élections

Il reste un as dans la manche de Pedro Sánchez. Si à la fin du mois de juillet, son investiture échoue au parlement, la Constitution espagnole offrira une séance de rattrapage dans les deux prochains mois. Une nouvelle tentative d’investiture devrait avoir lieu avant le 25 septembre au plus tard. Si à cette date, Pedro Sánchez n’a toujours pas de majorité parlementaire, de nouvelles élections seront automatiquement convoquées le 10 novembre prochain. Les équipes socialistes constatent des enquêtes d’opinions relativement intéressantes en cas de retour aux urnes. Le parti socialiste effectuerait un bon remarquable tandis que Podemos, fracturé en interne par les guerres intestines, boirait la tasse. Ces « menaces » d’élections sont à mi-chemin entre le bluff pour forcer Podemos à investir Pedro Sánchez sans rien demander en échange et une réelle volonté socialiste de retourner aux urnes.

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