Tourisme et boboïsation, les Barcelonais fuient le centre

Barcelone est la cinquième ville la plus touristique d’Europe. Un classement qui a pour don d’insupporter ses habitants. Hausse des loyers et transformations des commerces poussent certains Barcelonais à quitter le centre, loin des touristes. Reportage.

« Avant c’était un village de pêcheurs, les maisons étaient ouvertes, les commerces vivants, et ça c’était l’essence de la Barceloneta » explique Felipe Roman, la cinquantaine, technicien d’urgence médicale. Tourisme de masse, augmentation des prix des loyers et commerces traditionnels qui disparaissent, c’est le discours classique des résidents à Barcelone.

Isabel et Marise, toutes deux accoudées au bar du marché de la Barceloneta pour un café, vont dans ce sens: «c’est comme si Barcelone était devenu un parc à thème ! ». En 2017, ce sont plus de 18 millions de touristes qui ont visité la capitale catalane. Un chiffre en constante augmentation, qui exaspère les habitants.

Touristification

À l’image de Venise qui fait désormais payer l’entrée dans la ville flottante ou de la Thaïlande qui a fermé l’île de Koh Tachai aux visiteurs en 2016, Barcelone est aussi victime d’une touristification. C’est ce qu’explique Daniel Pardo, un des membres de l’Assemblea de Barris per un Turisme Sostenible (ABTS), un réseau d’associations de quartiers qui lutte contre les conséquences du tourisme de masse à Barcelone.

« Le tourisme fait disparaître les commerces de service quotidien, crée de l’emploi mais précaire, et pollue Barcelone » résume le quarantenaire. Ces conséquences réduisent les liens sociaux que partagent les habitants d’un même quartier. Au début, seuls les quartiers historiques du centre de Barcelone, comme le Raval ou le Gotic, étaient victimes de cet hypertourisme. La mairie a décidé de déconcentrer le tourisme de ces zones pour tenter de le réduire. D’autres quartiers ont été promus, des hôtels ont été construits et des licences touristiques ont été accordées à des propriétaires. Mais ces changements ont favorisé la croissance et le poids du secteur du tourisme à Barcelone.

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Hausse des loyers

« Les loyers ont énormément augmenté, avant la Barceloneta c’était très abordable » explique Marise. « Beaucoup de gens ont quitté le centre de Barcelone pour aller vivre en périphérie ! Les prix sont trop élevés. » ajoute Felipe Roman. Un problème que tente de résoudre l’ABTS. Certains propriétaires n’hésitent pas à transformer leur appartement loué à des Barcelonais en logement pour touristes. C’est plus rentable, mais les familles se voient obligées de partir. Résultat, elles choisissent d’aller vivre plus loin, pour moins cher et dans des quartiers plus populaires.

Cela réduit également le nombre de logements disponibles à la location résidentielle et augmente les prix des loyers. Ils se fixent sur les tarifs de location proposés aux touristes qui ont une propension à payer plus importante comme l’explique Alan Quaglieri Domínguez, géographe barcelonais.

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Boboïsation de Barcelone

Mais le tourisme n’est pas le seul facteur de la hausse générale des loyers. « Tourisme et gentrification sont intrinsèquement liés » affirme le géographe. Les populations chassées du centre-ville vont vivre dans les quartiers les plus populaires de Barcelone, y entrainant une augmentation des loyers. « Et si la mairie choisit d’y faire des investissements, d’y construire des musées, des commerces, alors ça attire encore plus cette population ». Une boboïsation de Barcelone qui plaît aux touristes.

Un cercle vicieux qui n’est pas près de s’arrêter, surtout avec le boom d’Airbnb où tout le monde « et surtout ceux qui en ont pas besoin » ajoute le specialiste, peut arrondir ses fins de mois.

boboïsation Barcelone

À l’heure actuelle, la mairie a mis en place un système de licence pour les logements touristiques mais cela n’empêche pas les illégaux de fleurir dans Barcelone. L’ABTS propose une décroissance touristique pour réduire le poids des lobbys du touriste. « Il faudrait arrêter de promouvoir le tourisme à Barcelone, tout en explicant les répercussions du tourisme de masse » affirme Daniel Pardo.

Un avis partagé par Isabel, « il y a eu beaucoup de publicité pour Barcelone, un appel au tourisme, et maintenant c’est compliqué de poser des limites.»

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