L’impact du procès indépendantiste sur les élections

Fait unique en Europe, un procès politique se déroule simultanément à une quadruple campagne électorale : législative, municipale, régionale et européenne. Quel impact attendre sur les résultats? Focus. 

Un procès télévisé avec une douzaine d’accusés anciens ministres qui risquent des décennies d’incarcération. Une quadruple campagne électorale où bon nombre de ces mis en examen sont candidats à la députation nationale, européenne, au sénat ou à la mairie de Barcelone. Une partie civile représentée par un parti d’extrême-droite Vox qui devrait faire une percée électorale encore jamais vue dans le pays.

C’est dans ces conditions exceptionnelles que se tiendront les élections législatives anticipées du 28 avril, les municipales, les européennes et les régionales du 26 mai.

Législatives

Oriol Junqueras, ancien vice-président catalan, Jordi Turull, Josep Rull, ex-ministres de Carles Puigdemont et l’activiste Jordi Sanchez sont tous candidats aux élections législatives du 28 avril. Incarcérés préventivement depuis 18 mois, passibles de peines allant de 17 à 25 ans, ces responsables politiques seront élus mais ne pourront pas siéger.

Le procès judiciaire pourrait donner des ailes aux candidatures indépendantistes. Mais pour convaincre leurs électeurs potentiels, les souverainistes doivent surmonter deux obstacles majeurs. Le premier porte le nom de division. La guerre larvée entre la gauche d’Oriol Junqueras et le centre-droit de Carles Puigdemont qui gouvernent pourtant ensemble la Catalogne se traduit par deux listes concurrentes à chaque scrutin. Il faut aussi ajouter l’extrême-gauche séparatiste qui présente une troisième candidature sous le nom du « Front Républicain ». La cruelle remarque : « les indépendantistes peuvent partager la même cellule mais pas la même liste électorale » peut laisser des séquelles lors du vote.

Ensuite, un mélange de fatigue et déception plane sur le gouvernement indépendantiste de Quim Torra. L’absence d’avancée dans l’implantation de la république catalane pourrait pousser un certain nombre d’électeurs souverainistes vers les candidatures socialistes ou de Podemos, en espérant qu’une fois au pouvoir ces partis tendent la main aux indépendantistes pour trouver un espace de négociation. Sans grande illusion cependant.

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Dans le reste du pays, les indépendantistes sont les têtes de turques idéales pour la droite. Justification et légitimation de lourdes peines de prison, suspension de l’autonomie politique, fermeture de la télévision publique TV3, dissolution des Mossos d’Esquadra, les droites espagnoles sont décomplexées dans leurs propositions en la matière. Mais divisées aussi. L’électorat conservateur devra départager le Partido Popular, Ciutadans et Vox. Une fragmentation qui pourrait faire les beaux jours du parti socialiste pour le moment donné en tête dans les sondages.

Municipale de Barcelone

L’ancien ministre de l’Intérieur de Carles Puigdemont, Quim Forn, est candidat au mandat de Maire de Barcelone. Forn, ancien premier adjoint du maire centriste Xavier Trias, a toujours été le dauphin du centre-droit indépendantiste pour occuper le siège de la plaça Sant Jaume. La déclaration d’indépendance d’octobre 2017 à laquelle participa le ministre changea son destin politique, puisqu’il est derrière les barreaux depuis cette date. Il se présente à la mairie, mais ne pourra évidemment pas diriger la ville, ayant sur ses épaules une réquisition de 17 ans de prison. L’ancienne porte-parole du gouvernement Elsa Artadi est celle qui parcourt la campagne en son nom.

7A0A9707Celui qui a le plus durement réagi contre cette candidature depuis la prison est Manuel Valls. Dans une interview sur Equinox l’ancien Premier ministre qualifiait de « provocation envers les Barcelonais » la démarche de Joaquim Forn. Cette position de soutien d’un emprisonnement préventif ne réussit guère à Manuel Valls qui ne décole pas de l’avant-dernière place dans sa course à la mairie si l’on en croit les sondages. Barcelone n’est certes pas une ville socialement indépendantiste, mais sûrement progressiste, où le discours du tout répressif a du mal à trouver sa place.

Européennes

Les élections européennes sont le point d’orgue de la confrontation entre les deux courants indépendantistes. Oriol Junqueras et Carles Puigdemont sont tous deux candidats face à face. Le scrutin étant national, les indépendantistes ne disposent de réservoirs de voix qu’en Catalogne, il apparaît peu probable que les deux puissent être élus.

Si Oriol Junqueras remporte la manche, c’est un indépendantisme version force tranquille qui se dessine. La gauche républicaine (ERC) voit à long terme et est convaincue que le séparatisme doit atteindre les 60% pour que le projet de nation catalane puisse s’imposer face à Madrid. Pour arriver à ce score, le parti d’Oriol Junqueras pense que l’indépendantisme doit rendre la vie plus facile aux Catalans en proposant d’ambitieuses réformes sociales. Les républicains veulent également tisser des complicités avec des partis qui ne sont pas indépendantistes. La gauche radicale de Podemos en premier lieu, les socialistes dans un second temps.

Si Carles Puigdemont remporte le siège de député européen, c’est la version la plus unilatérale de l’indépendantisme qui idéologiquement dirigera les opérations. Le président catalan Quim Torra garde toutes les options possibles sur la table. Parmi elles, une nouvelle déclaration d’indépendance au parlement, après l’annonce de la sentence des prisonniers catalans.

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