Barcelone est la capitale touristique de l’Espagne. Plages, musées, bars et restaurants, le paradis pour les vacanciers. Si beaucoup affirment que Barcelone s’est ouverte au tourisme avec les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, l’origine du tourisme de masse actuel remonte en réalité à bien plus loin.
Chaque année, des dizaines de milliers de touristes envahissent Barcelone aux beaux jours, ce qui a pour don d’énerver les locaux. Mais cet afflux n’est pas un phénomène récent, puisque les tout premiers touristes barcelonais étaient les marins de la Sixième flotte américaine. Pendant près de 40 ans, ces hommes grands et costauds ont débarqué dans le port de Barcelone après des semaines en mer. Et dès leur arrivée en hiver 1951, la ville, appauvrie, s’est transformée pour accueillir les marins, prêts à dépenser tous leurs dollars et à s’amuser avant de repartir.
Franco et l’administration de Washington ont négocié le débarquement de la Sixième flotte américaine quelques jours par an à Barcelone, comme à Tarragone, Valence, Majorque ou Cadix. D’un côté, cet accord permettait de mettre fin à l’isolationnisme international de l’Espagne qui était en ruine depuis la guerre civile. De l’autre, c’était l’opportunité pour les États-Unis de s’allier à l’Espagne dictatoriale de Franco contre les communistes soviétiques, la guerre froide battant son plein.
Un tourisme (déjà) festif
Les marins débarquaient à Barcelone dans un seul but : passer de folles nuits. Les bars et les magasins de la ville ont alors changé de nom pour sonner plus américains et attirer cette nouvelle clientèle. À l’Amaya, un restaurant du port, très prisé par la sixième flotte américaine, les plats, fish and chips ou steak and eggs, étaient servis à 1 dollar, alors que le salaire hebdomadaire de l’époque était de 6 euros environ. Les quartiers chinois, la zone des Ramblas et celle du Paral.lel ont particulièrement bénéficié de cette arrivée.
La ville a commencé à parler anglais pour ces nouveaux clients bien décidés à s’amuser avant de repartir en mer. Mais cette arrivée a eu aussi des côtés plus sombres. L’activité des prostitués s’est multipliée durant cette période, alors qu’elles étaient interdites sous Franco.
Les Américains ont aussi amené avec eux le consumérisme. Alors qu’au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l’Espagne était en friche économique, les marins ont introduit le Coca-Cola, le whisky, les cocktails à la vodka ou la tequila, les jeans, les chewing-gums, les sandwiches, ou encore les briquets. Le début de la mondialisation. L’influence était telle que même Franco ordonna d’ouvrir la première usine de Coca-cola à Barcelone en 1951.
Les marins, avec leur goût pour la fête particulièrement développé, ont aussi exporté le meilleur de la musique américaine de l’époque. Jazz et Rock and Roll ont envahi les bars de Barcelone.
Au début des années 50, beaucoup de Barcelonais pensaient que les Américains auraient forcé Franco à démocratiser son régime. Très vite, ils se rendent compte que les Etats-Unis soutiennent la dictature. C’est pourquoi un attentat en décembre 1987 contre la Sixième flotte américaine, qui fit un mort, stoppa net les arrivées de marins à Barcelone. Cette période a façonné Barcelone et a sonné le début du tourisme.
Pour en savoir davantage sur ce premier tourisme barcelonais, l’application Urban Explorer propose de revenir dans le temps, et de visiter tous les bars que fréquentaient les Américains lors de leurs rares soirées sur la terre ferme.