Barcelone est la ville de la fête, des soirées alcoolisées et des touristes éméchés. Pourtant, tous les Barcelonais ne cèdent pas et certains ont même choisi de stopper leur consommation d’alcool. Reportage.
« Je me sens mieux dans mon corps, j’ai plus d’énergie, et le week-end je suis beaucoup moins fatiguée, je récupère mieux » confie Morgane, 25 ans, qui a décidé d’arrêter de boire en janvier dernier. Un choix qui fait de plus en plus d’adeptes, en témoigne la popularité du Dry January, une campagne de santé publique anglaise qui lance le défi de ne pas boire d’alcool pendant le mois de janvier, juste après des fêtes de fin d’année bien arrosées. Annabelle, commerciale française de 26 ans vivant à Barcelone, a aussi franchi le pas. « J’ai des migraines à répétitions, l’alcool les favorisait et je me suis aperçue que boire ne m’apportait rien du tout. » explique-t-elle.
Un arrêt « pas si compliqué » pour Morgane, qui consommait tous les week-ends. Mais pour d’autres, ne plus du tout boire d’alcool est impensable. Olivier, 40 ans, a lui aussi tenté de stopper sa consommation pour se sentir moins fatigué au travail, mais sans succès. « Pour moi arrêter de boire, ce serait comme devenir végétarien, c’est une grande privation ». Il a cependant réussit à réduire sa consommation, lui qui buvait systématiquement une bière tous les soirs après la fin de sa journée dans le secteur de la communication, pour déstresser. « Je pense que c’était la porte ouverte pour avoir une dépendance à l’alcool » affirme-t-il.
1 bar pour 130 habitants
L’Espagne est le pays qui compte le plus de bars au monde, avec un bar pour 175 habitants, d’après une étude réalisée par Nielsen en juin 2016. C’est plus de bars que dans tous les Etats-Unis. A Barcelone, le ratio est d’un bar pour 130 habitants. Les tentations sont donc grandes dans la festive Barcelone, connue dans le monde entier pour être un haut lieu de « turismo de borrachera » ou tourisme de beuverie en français.« Ici, l’alcool est moins cher, c’est compliqué d’imaginer manger des tapas sans une bière ou un verre de vin » avoue Olivier, barcelonais depuis 10 ans.
La clé est évidemment dans la modération selon Emilio, 61 ans et délégué des Alcooliques Anonymes de Barcelone. Il explique qu’une personne saine a toujours la capacité de choisir de boire ou non. Toutefois, si elle ne peut plus dire non et surtout si elle se trouve incapable de s’arrêter après le premier verre, il faut commencer à s’alerter. « Il ne faut pas hésiter à se faire aider, peut importe la manière » conseille Emilio.
Pression sociale
Mais le plus compliqué à gérer pour Morgane a été le regard des autres « ceux qui ne me connaissent pas ne comprennent pas que je ne boive pas quand je sors alors que j’ai seulement 25 ans ». Un sentiment partagé par Annabelle : « je dois toujours expliquer que non, je ne suis pas enceinte! ». Une pression sociale qui pousse à la consommation « parfois j’ai envie de boire non pas parce que je le veux mais juste pour paraître « normale » et éviter les questions », explique la jeune commerciale. Une pression que ressent Olivier, bon vivant, mais dans l’autre sens. Il raconte que beaucoup de ses amis ne boivent pas, et que s’il est le seul à boire pendant les repas ou les apéros, il se sent un peu isolé.
Emilio, lui, n’a pas ingéré une seule goutte d’alcool depuis 20 ans. « J’ai retrouvé une vie sociale qui ne tourne plus autour de l’alcool mais de mes amis, de la musique, du cinéma» confie-t-il. La pression serait d’ailleurs moins forte en Espagne qu’en France, où le rituel de l’apéritif est particulièrement sacré. Selon un récent rapport de l’OMS, 31% des Espagnols sont abstinents contre 24% des Français. Et la consommation moyenne des buveurs s’établit à 14,6 litres d’alcool par an en Espagne, par rapport à 16,7 litres en France. Selon les journalistes Thomas Pitrel et Victor Le Grand, auteurs de Tournée générale, un livre sur la place de l’alcool dans l’hexagone, « en France ne pas boire de vin, c’est souvent vu comme trahir la culture française ».