À 25 ans, Rosalia réinvente le flamenco, elle lui ajoute des notes pop et R’n’B. Adulé par le monde entier, la Barcelonaise a enflammé Las Vegas le 15 novembre dernier lors de la cérémonie des Latin Grammy Awards, et a empoché deux prix.
Malamente (eso es) (así sí), malamente (tra, tra), ce refrain a bercé l’été de millions de personnes. Sorti en mai 2018, le succès de Malamente va bien au-delà des frontières catalanes. Derrière ce single envoûtant se cache la chanteuse Rosalia, Barcelonaise de tout juste 25 ans. Extrait de son second album, Malamente a été nominé à cinq reprises pour les Latin Grammy Awards 2018. Lors de cette 19e édition qui s’est tenue jeudi soir à Las Vegas, Rosalia a remporté le prix de « meilleure chanson alternative « et le prix de « meilleure fusion urbaine ». Mais avant tout ça, l’artiste a grandi paisiblement en Catalogne.
Étudiante en musique
Rosalía Vila Tobella est née le 25 septembre 1993 à S. Esteban de Sasroviras, petite commune à 40 km de Barcelone. Depuis son plus jeune âge, elle apprend la technique lyrique, la musique moderne et le chant flamenco. À 16 ans, elle intègre l’école Tallers de Músics de Barcelone. Plus tard, elle fera quatre ans d’études à la réputée école supérieure de musique de Catalogne (Esmuc) et obtient une licence d’interprétation de chant flamenco. Durant toutes ces années, son professeur José Miguel Vizcaya voit en elle un potentiel. « En cours je voyais qu’elle avait des aptitudes: capacité d’apprentissage, discipline et surtout une grande oreille musicale. La passion qu’elle avait était spéciale, tout comme sa soif de connaissance » confiait l’enseignant à la version web de la RTVE. Son travail de fin d’études El mal querer deviendra même un album en 2018.
À l’âge de 20 ans, la Catalane fait ses premiers pas sur la scène publique et commence à enchaîner les projets. Pour le Festival International de Cinéma 2013 de Panama et le festival Grec de Barcelone, elle travaille en duo avec le guitariste de flamenco Juan Gómez « Chicuelo » sur le ballet contemporain De Carmen. Elle participe la même année à une conférence de la APAP à New-York. Un an plus tard, elle est soliste au Palau de la Música. En 2015, elle se produit au Primavera Sound avec la chanteuse de flamenco Rocío Márquez.
Rosalia fait également des concerts dans des petits bars du quartier du Raval à Barcelone. Augustin de Beaucé, manager d’artistes de flamenco et membre de la direction du Tablao de Carmen depuis de nombreuses années, a connu la Barcelonaise dès ses débuts. « A chaque fois qu’elle était programmée il pleuvait des cordes, parfois on était trois dans la salle, mais j’ai tout de suite vu qu’elle était incroyable, je savais qu’elle allait être connue » se remémore-t-il pour Equinox. « C’est une fille très cultivée, ouverte d’esprit, timide et gentille, ce qui contraste avec ce qu’elle impose sur scène, mais c’est aussi ce qui fait son charme. Elle sait ce qu’elle veut et décide elle-même de sa carrière » confie-t-il. Devenu ami avec l’artiste, le Français raconte que Rosalia a toujours su rester simple et rend parfois visite au célèbre Tablao de Carmen, où elle s’est produite il y a deux ans.
Reconnaissance internationale
Les collaborations et projets artistiques continuent pour Rosalia. En juin 2016, elle fait un duo avec le rappeur C. Tangana, son petit ami de l’époque. Le succès est immédiat pour Antes de morirme, que les fans d’Élite écoutent à nouveau dans la série espagnole sortie cet automne. En février 2017, la chanteuse sort son premier album Los Angeles. Rosalia fait une entrée remarquée dans la scène espagnole et latine, pour aller plus loin dans l’imaginaire musical. Elle fut nominée dans la catégorie « meilleure nouvelle artiste » aux Latin Grammy Awards 2017.
« Les noms vraiment cruciaux ne viennent pas en remplacer un. Ils créent un espace nouveau. Un lieu auquel personne n’avait pensé avant et qui nous paraissait impossible d’exister. Rosalia réconcilie dans sa voix des scènes qui vivaient presque de dos. Elle transforme le flamenco en pop, sans pour autant l’alléger ni lui enlever de sa profondeur », ces phrases écrites sur son site officiel lui correspondent parfaitement.
Mais le véritable succès sera au rendez-vous en mai 2018 lorsqu’elle présente son premier single Malamente, extrait de son second album El mar querer sorti le 2 novembre dernier. Elle fera également un duo, avec J Balvin cette fois, Brillo. Les médias l’acclament, certains la surnomment la « Patti Smith des Tablaos ». Avec son album, Rosalia devient même l’artiste la plus écoutée d’Espagne sur Spotify en une journée. À travers sa musique, elle affirme revendiquer l’image « de la femme puissante » et s’étonne que sa « prise de risque musicale » plaise autant dans le monde entier.
Pour Augustin de Beaucé, Rosalia permet de faire connaître le flamenco: « des puristes diront qu’elle ne fait pas du flamenco mais je ne suis pas d’accord. Même si elle ne vient pas du monde des tablaos, elle a une voix incroyable et grâce à elle des millions de personnes s’intéressent pour la première fois à ce genre musical. De plus, sa première inspiration est Camarón de la isla, elle l’a écouté et s’est dit qu’elle voulait faire pareil. »
Outre la chanson, une carrière cinématographique attend Rosalia, qui n’est pas passée inaperçue aux yeux de Pedro Almodóvar. Le mythique réalisateur l’a choisie pour tourner dans son film Dolor y gloria, dont le tournage a eu lieu cet été. Ce mois-ci, Rosalia vient de vivre une consécration de sa carrière, en remportant deux prix au Latin Grammy Awards, mais sûrement pas la dernière. Comme toute vedette qui se respecte, elle a fait un véritable show et a même changé de tenues à quatre reprises. La tornade Rosalia est loin d’être terminée.
Leslie Singla