Frappé par les coupes budgétaires et le manque de personnel, le service public de santé catalan suffoque.
Attendre pendant plus d’une heure alors que l’on avait pris rendez-vous avec son docteur, faire la queue pour tenter de passer dans des urgences saturées ou ne jamais recevoir les résultats de ses analyses deviennent monnaie courante à Barcelone. Ce ne sont pas les patients qui ont interpellé la presse pour rapporter ces faits, mais les médecins eux-même. Pour dénoncer la baisse de la qualité des services, particulièrement dans les CAP, les Centres d’Attention Primaire (Centre d’atenció primària en catalan) le syndicat majoritaire des médecins de Catalogne prévoit une grève dans les prochaines semaines.
Pourtant, le système de santé public espagnol est l’un des meilleurs au monde. Selon le ranking de Christopher Murray, responsable de l’Institut d’évaluation et de métrologie de la santé de l’Université de Washington (États-Unis), l’Espagne se hisse à la 8e place du classement qui évalue la qualité, l’attention et l’accès à la santé publique. La France pointe quinzième sur un total de 80 pays. 67,6% des Espagnols eux-même recommandent leur système de santé public selon la dernière étude en la matière du Centre de recherche sociologique (CIS). Un chiffre plutôt bon au regard du sentiment d’insatisfaction en France, où seulement 40% des sondés ont une opinion positive du système médical national.
Crise
Si les médecins sont exaspérés, c’est que le système de santé s’est détérioré avec les coupes budgétaires pendant les années de plomb de la crise économique catalane. Le conservateur Mariano Rajoy a infligé à partir de 2012 une cure d’austérité, parmi les plus drastiques d’Europe. Le libéral Artur Mas, au pouvoir à la même époque en Catalogne, a appliqué des mesures encore plus radicales que dans le reste de l’Espagne.
En 2011, les Catalans pouvaient compter sur 76.306 agents du personnel de santé. En 2015, ils avaient fondu à 73.899, pour se stabiliser l’an dernier à 75.441. Autrement dit, la Catalogne n’a pas récupéré l’intégralité des agents de santé dont elle disposait avant la crise. Ce manque de personnel se convertit en journées infernales pour les médecins qui doivent gérer une liste d’attente quotidienne de 35 patients. Les personnes dans les halls d’attente, après de longs retards pour rencontrer leur médecin de famille ou accéder aux urgences, s’énervent et parfois insultent les agents de santé.
Dans certains CAP, le délai pour prendre un rendez-vous avec son médecin traitant peut dépasser un mois. L’Institut Català de la Salut, qui gère la majorité des CAP, reconnaît qu’il n’a pas de budget supplémentaire pour solutionner le problème. En revanche l’institut, qui dépend du ministère de la Santé catalan, propose une modification des hiérarchies pour que chaque CAP puisse s’autogérer de façon autonome, au lieu du système centraliste actuel. Les CAP pourront ainsi mieux évaluer les besoins des populations locales et y répondre d’une manière plus efficace.
Les budgets de la santé catalane ont fondu eux aussi comme neige au soleil. En 2010, le ministère de la Santé disposait d’une enveloppe de 9,8 milliards d’euros. Durant la crise, le budget a chuté à 8,4 milliards en 2014. Il n’est remonté l’an dernier qu’à 8,8 milliards.
Le milliard d’euros manquant conjugué au manque de personnel a fait exploser la durée d’attente pour la médecine spécialisée. En 2010, 153.916 personnes attendaient pour se faire opérer, l’an dernier elles étaient 170.490. Logiquement, le nombre de chambres a aussi diminué, passant de 14.072 en 2010 à 13.063 en 2017.