Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), la gauche républicaine indépendantiste vient de réaliser un gros coup politique. Le parti change au dernier moment son candidat à l’élection municipale de Barcelone. Le ministre des Affaires étrangères catalan, Ernest Maragall va affronter Manuel Valls et Ada Colau.
Un scrutin de titans politiques. Ernest est le frère de Pasqual Maragall, maire de Barcelone pendant 14 ans et durant la glorieuse époque des Jeux olympiques de 1992. Véritable légende de la politique catalane. La majorité de la scène politique salue le bilan de Pasqual Maragall. En 2014, Ada Colau allant jusqu’à le qualifier de « meilleur maire de Barcelone ». L’homme, par la suite, deviendra président de la Catalogne avec un bilan plus contrasté.
Avec l’arrivée d’Ernest Maragall, ERC plombe encore un peu plus la candidature de Manuel Valls.
Trous d’airs pour Valls
Premièrement, Ernest Maragall est un indépendantiste ultra-modéré. Il ne s’est converti que sur le tard et offre aujourd’hui un discours extrêmement tiède sur la question catalane. Depuis qu’il dirige le ministère des Affaires extérieures catalan, Maragall plaide pour la réduction du processus indépendantiste qui doit s’inscrire strictement dans le cadre de la loi sans utiliser la manière unilatérale.
De fait, Ernest Maragall n’est pas un indépendantiste qui fait peur. Manuel Valls ne pourra pas utiliser la figure du candidat d’ERC en la diabolisant afin de surfer sur la crainte d’un fanatique sécessionniste prenant le contrôle de Barcelone. Maragall n’est pas Carles Puigdemont. Par conséquent, la candidature de Valls perd énormément de sa valeur et de son sens pratique. L’ancien premier ministre justifiait sa présence sur une terre qui n’est pas la sienne pour lutter contre l’indépendantisme radical.
Deuxièmement, pour réaliser un bon score, Manuel Valls doit garder les votants des quartiers populaires qui ont opté pour Ciutadans le 21 décembre afin de faire barrage aux séparatistes après la déclaration d’indépendance. Hors, ces districts sont historiquement très socialistes ou de gauche. Pasqual Maragall réalisaient dans les années 90 des scores de 40% à Nou Barris, 35% à Guinardó et Sant Marti et 30% à Sant Andreu. Si l’indépendantisme n’a pas de candidature aussi radicale que le 21 décembre avec Carles Puigdemont, ces quartiers vont naturellement voter de nouveau à gauche. La figure du frère du maire Maragall est un atout considérable pour ERC pour capter ces votes avec son nom célèbre et populaire.
Valls risque de s’en trouver privé. La remarque est aussi valable pour Ada Colau, à un degré moindre. L’indignée s’est faite élire via un bon score dans ces quartiers en 2015.
Troisièmement, Maragall de part son patronyme va envahir le terrain progressiste dans toute la ville via son frère et le domaine de l’élite culturelle, via son grand-père qui est le célèbre poète catalan Joan Maragall.
Ernest Maragall
Quatrièmement, Manuel Valls était sur le point d’annoncer sa candidature ce week-end ou la semaine prochaine en revendiquant justement le patrimoine politique de Pasqual Maragall. L’ancien premier ministre tente même de débaucher l’ancien directeur de cabinet de Pasqual Maragall, afin de renforcer sa campagne sur le thème de l’héritage de l’ancien maire de Barcelone. Une opération récupération qui tombe complètement à l’eau.
Nouvelle stratégie
Manuel Valls va une nouvelle fois devoir redessiner sa stratégie pour le lancement officiel de sa campagne. Au départ, l’ancien premier ministre cherchait à s’appuyer sur Ciutadans, l’association unioniste Societat Civil et les réseaux d’extrême-droite espagnolistes gravitant autour. Depuis la rentrée, l’actuel député d’Evry cherche à se recentrer avec une ligne « transversale » allant jusqu’aux socialistes. La logique voudrait que Manuel Valls retarde encore sa candidature afin de trouver un nouvel angle.
Manuel Valls pourrait attendre que le parti de Carles Puigdemont annonce si oui ou non il présente un candidat. Il apparaît peu probable que les Puigdemontistes soutiennent Maragall. Les rivalités entre la droite et la gauche républicaine sont trop exacerbées pour que Carles Puigdemont laisse « perdre » la mairie de Barcelone au profit d’ERC. Idéologiquement, l’ancien président catalan veut un indépendantisme plus agressif que celui proposé par Maraguall. L’ancien ministre de la Culture d’Artur Mas, lui aussi ancien socialiste, est pressenti comme un candidat parrainé par Carles Puigdemont. Manuel Valls pourrait attendre l’annonce de ce personnage plus clivant, plus repoussoir pour les unionistes pour se lancer officiellement dans l’arène.
Maragall, Valls, Colau, peut-être Mascarell, quatre mastodontes politiques qui veulent la mairie de Barcelone. La municipale devient l’élection la plus attirante pour les ambitieux. On note ici la perte de poids politique de la Generalitat post-155. Le prochain maire de Barcelone pourrait être aussi puissant que le président de la Catalogne.