Il n’y a probablement pas d’autre mot plus utilisé dans l’histoire de la politique catalane que celui de l’unité.
Utilisé, parfois, pour atteindre des objectifs partagés par de larges majorités. D’autres fois, pour des objectifs partisans. Toujours l’unité. Comme celle prétendument incarnée aujourd’hui par la « Crida Nacional per la República » promue par Carles Puigdemont. Avec l’idée sous-jacente et équivoque des Catalans en tant que peuple unique. Il est vrai qu’il y a eu des moments où l’unité a eu un intérêt incontestable. Sans remonter très loin, dans la lutte contre le franquisme menée par l’Assemblea de Catalunya.
C’est cet esprit que revendiquent maintenant certain leaders de l’ancienne Convergencia pour promouvoir cette Crida. Leurs idéologues se réfèrent aussi à la Solidaritat Catalana et aux années trente, que Quim Torra a tant étudié. Avec plus de rhétorique que de rigueur.
L’unité, en effet, a été importante dans les moments décisifs de la Catalogne contemporaine. Avec la Solidaritat, la Mancomunitat a été possible, et le « Frente Popular » a permis la courte mais prometteuse période de la Seconde République.
L’unité a apporté des progrès, sans aucun doute. Mais une chose est l’unité et l’autre, très différente, la fiction de l’unité. Le terme n’est pas le mien. Il a été utilisé par Quim Nadal dans une interview publiée par Nacio Digital. En bon historien, Nadal rappelle que de nombreux moments d’effervescence unitaire ont conduit à d’autres crises profondes et d’une envergure plus importante. Et il souligne aussi que l’idée de la Catalogne comme un peuple unique ne correspond pas à la société actuelle, divisée à la québécoise par le processus indépendantiste.
Trop c’est trop. On comprend l’appel à souverainiste pour permettre aux responsables politiques incarcérés de sortir de prison, ou pour que la Catalogne atteigne des objectifs politiques partagés par une grande majorité. Cependant, l’unité pour la République que suppose cette Crida Nacional est celle de la moitié de la société. Elle constitue un pas de plus vers la reconstitution de l’ancienne Convergencia, terminant ainsi une autre fiction : celle du 1er octobre considéré comme le jour où la Catalogne s’est autodéterminée. Une ruse pour atteindre l’hégémonie à l’intérieur du camp du souverainisme. Une OPA aux compagnons de voyage du processus indépendantiste pour aborder avec un coup d’avance les prochaines élections municipales.