Carles Puigdemont devrait annoncer le nom de son successeur dans les prochaines heures. Trois candidats sont favoris. Analyse.
141 jours ont passé depuis les élections et la Catalogne n’a ni président, ni gouvernement. Carles Puigdemont a utilisé quasiment jusqu’au bout le délai légal avant de désigner son successeur. La Constitution prévoit que le parlement investisse un nouveau chef pour la Catalogne avant le 22 mai, faute de quoi de nouvelles élections législatives auront lieu.
Le suspense va donc prendre fin d’ici quelques heures. Ce soir ou demain, depuis Berlin où il attend la décision de la justice sur son extradition, Carles Puigdemont va personnellement annoncer le nom du futur locataire du Palau de la Generalitat. Le leader catalan jouit ici d’un pouvoir qu’aucun président de la Catalogne n’a eu avant lui. Pas même « l’omniprésident » Jordi Pujol, qui a régné sur la Catalogne pendant 40 ans, n’a pu choisir directement son dauphin. Le futur président sera élu par les députés indépendantistes du parlement: les 32 parlementaires de la gauche et les 34 du groupe de Puigdemont qui lui sont totalement acquis.
Président light
Le nouveau président de la Generalitat va probablement voir ses compétences rabotées sur demande de Carles Puigdemont et la durée de la législature pourrait être extrêmement courte : pas plus d’une année. Puigdemont souhaite que de nouvelles élections aient lieu en même temps que le procès de l’ancien gouvernement qui a proclamé l’indépendance.
Lors du débat d’investiture le nouveau président pourrait s’engager à dissoudre le parlement dans un an, afin de convoquer des élections. A priori, l’accès au bureau officiel du président et des lieux les plus prestigieux du Palau de la Generalitat (siège du gouvernement) comme le salon de la Virgen seront interdits au nouveau locataire. L’idée sera de démontrer que le pouvoir réel du président se trouve à Berlin ou à Bruxelles entre les mains de Carles Puigdemont.
Dans une comparaison assez osée, on pourrait estimer que Puigdemont se comportera comme un président qui nomme un simple Premier ministre chargé d’appliquer ses politiques. Le leader catalan estime que la présidence lui revient car il est arrivé en tête des listes indépendantistes le 21 décembre dernier, et que la justice espagnole l’empêche d’exercer ses responsabilités. Le camp de l’homme de Gérone attend avec impatience la décision du tribunal allemand pour savoir s’il retrouvera sa liberté de mouvement avec l’abandon des poursuites. Auquel cas il décollera immédiatement pour Bruxelles afin de s’installer à la tête de l’entité qui a pour nom « Espace Libre » , une fondation qui doit donner ses ordres au président catalan en fonction et internationaliser le conflit avec l’Espagne.
Les favoris
A Barcelone, les favoris pour exercer la présidence sont trois.
Le premier est Quim Torra. Écrivain, journaliste, ancien président de l’association indépendantiste Omnium, dont le leader Jordi Cuixart est incarcéré depuis le mois d’octobre dernier, Quim Torra semble en totale adéquation avec la précédente législature qui a conduit à la déclaration d’indépendance. «Si nous continuons comme ça dans quelques années, nous courrons le risque de devenir aussi fous que les Espagnols eux-mêmes» écrivait-il en 2012 sur son compte twitter. Tour à tour membre de l’association ANC, président d’Omnium, fondateur de la revue Revista de Catalunya, directeur du musée du Born, il est omniprésent dans les milieux souverainistes.
Le second est Josep Costa . De tous les noms qui circulent celui de Josep Costa est probablement le moins connu. C’était le candidat numéro 17 sur la liste du parti Junts Per Catalunya lors des dernières législatives catalanes. Une place en queue de wagon qui n’offrait aucune visibilité durant la campagne. Bien que Costa soit devenu membre du bureau du parlement, il ne possède qu’une expérience limitée de la politique et est peu habitué des médias. Son unique expérience est d’avoir milité au sein de l’association qui protestait contre l’augmentation des péages autoroutiers en 2010.
Enfin Elsa Artadi. Cette proche d’Artur Mas et de son ministre de l’économie Andreu Mas-Colell fut la créatrice de la loterie catalane La Grossa, qui a connu un succès mitigé. Avant la tempête indépendantiste, Artadi était proche des cercles économiques catalans. Son doctorat obtenu à l’université d’Harvard rassure. Elsa Artadi a toujours été au cœur de la droite catalane dirigée par Artur Mas. En décembre dernier, la rupture avec le Partit Democrata fut violente et soudaine. Artadi a plaqué le parti d’Artur Mas pour suivre Carles Puigdemont dans sa campagne électorale bruxelloise. L’ancien président entretient des relations orageuses avec les cercles barcelonais d’Artur Mas depuis qu’il a créé son mouvement ultra-indépendantiste Junts Per Catalunya.
Fin du suspense
Le calendrier de l’investiture va être rapide. Après l’annonce du candidat par Carles Puigdemont entre ce soir et demain, le président du parlement, comme l’exige la loi, va consulter les différents groupes politiques de la chambre catalane. Il proposera ensuite officiellement le candidat au débat d’investiture qui aura lieu samedi ou lundi. La Cup a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne voterait pas favorablement quel que soit le candidat, le programme proposé n’étant pas assez indépendantiste pour l’extrême-gauche. En revanche pour protester contre la répression espagnole, les quatre parlementaires ont assuré qu’ils s’abstiendraient pour ne pas laisser la Catalogne aux mains du gouvernement Rajoy via l’application de l’article 155. N’ayant pas la majorité absolue sans La Cup, le camp indépendantiste devra se soumettre à un second tour de vote où la majorité simple (plus de oui que de non) suffira. La droite et la gauche indépendantistes disposant de 66 députés contre les 65 parlementaires en faveur de l’unité de l’Espagne, le scrutin sera gagné.