On le sait, la majorité des fleurs vendues lors de la Sant Jordi ne sont pas catalanes. Un problème écologique majeur qui n’inquiète pas plus que ça les fleuristes, davantage préoccupés par la bonne santé de leur artisanat… Jusqu’à enclencher une guerre contre les vendeurs amateurs.
Photos : Clémentine Laurent
L’année dernière, la nouvelle faisait la une un peu partout : le dernier fleuriste catalan fermait boutique, laissant à d’autres le soin de fournir les très prisées roses rouges de la Sant Jordi à la région. Mais comme toujours avec un bon feuilleton, voilà qu’arrive un revirement de situation : Joaquim Pons, le fameux dernier fleuriste de Maresme, rempile pour 2025. Enfin, rempile… Il espère pouvoir produire environ 25 000 fleurs, soit moitié moins que l’année dernière. Rapporté à l’échelle de la vente de roses pour la fête catalane, on en conclut donc qu’une seule rose sur 350 aura été produite en Catalogne.
Un bien triste chiffre. Par conséquent, sur les 7 millions de roses prévues cette année, la grande majorité provient d’Amérique du sud (Equateur et Colombie) et l’autre partie des Pays-Bas.
Mais l’origine de la rose n’est pas vraiment ce qui préoccupe le consortium des fleuristes catalans, nous explique Joan Guillén, président de la corporation et fleuriste dans le quartier d’Horta. Cette année, les professionnels du secteur ont voulu se concentrer sur le problème de l’artisanat, ou plutôt de sa disparition. En effet, face à l’augmentation des ventes de fleurs dans la rue et sans licence (seules 25 à 30% des roses de la Sant Jordi s’achètent vraiment chez les fleuristes), ils ont voulu mettre l’accent sur leur métier.
Pour s’identifier, ils ont créé une étiquette pour les « roses d’auteur », ces variétés qu’ils font pousser eux-mêmes, comme gage de qualité. « Ce qu’on veut mettre en avant c’est la professionnalisation, l’artisanat des fleuristes. On espère que cette étiquette arrive chez les acheteurs et qu’ils la conservent », raconte le président.
En implantant cette pratique, le consortium espère aussi faire passer un message fort à la mairie, et demande la réduction de des licences accordées aux particuliers : « Nous, fleuristes, demandons à toutes les mairies de Catalogne de réduire d’au moins 50% les licences de vente de roses qu’elles accordent aux commerçants privés, afin que le secteur professionnel et les petites entreprises ne finissent pas par se noyer pendant la Sant Jordi. À Barcelone l’année dernière, 4 100 licences de vente de roses ont été délivrées à des particuliers. Nous estimons qu’il y a en plus 2 000 autres stands sans licence dans la ville. »
Une concurrence déloyale, estiment les fleuristes, ajoutant que les fleurs de mauvaise qualité vendues par ces amateurs nuisent à l’image de leur profession. En effet, les roses mises en vente par les fleuristes sont bien plus endurantes et plus fraiches.
En revanche, pas vraiment grosses, explique Jordi Guillén. « Le réchauffement climatique a provoqué des fortes pluies, et on ne verra donc que très peu de grosses roses. Celles qui seront en vente seront donc forcément plus chères. » Le fleuriste ne nous donnera pas de prix exact, jugeant que « chaque professionnel décidera du prix de son produit lui-même. » En vérité, une rose pour la Sant Jordi coûte entre 4 et 8 euros.
De vraies inquiétudes ?
Un jour donc important pour cette variété de fleurs, puisque 30 % des roses vendues tout au long de l’année en Catalogne le sont ce jour-là. Par ailleurs, même si le consortium s’inquiète, tout va plutôt bien pour le secteur de la fleur coupée, qui réalise en Espagne un chiffre annuel de 780 millions d’euros.
La balance commerciale est positive depuis 2016 et en 2023 (dernière année complète pour laquelle des données sont disponibles), elle était la deuxième plus élevée de la série historique avec un total de 262 millions d’euros exportés. Gageons que cette année encore la Sant Jordi tiendra ses promesses économiques, avec ou sans les producteurs catalans.