Comme de tradition, la rédaction d’Equinox profite de la Sant Jordi pour partager ses derniers coups de coeur littéraires. Et il y en a pour tous les goûts.
Photo : Clémentine Laurent
Danse avec le tío, Nicolas Grimaldi (Editions Auzas)
Par Aurélie Chamerois
Écrit par Nicolas Grimaldi, journaliste français installé depuis de nombreuses années à Barcelone, Danse avec le tío nous transporte dans ce que l’Amérique latine a de plus fascinant. Une mystérieuse légende, une mine abandonnée, des méchants et des rêveurs, pas tout à fait gentils, nous entraînent dans cette histoire trépidante où il est aussi question de rédemption et de condition humaine.
Construit à la façon d’un road-movie, Danse avec le tío fait voyager le lecteur à travers ce continent méconnu et ses réalités sociales surprenantes. Un mercenaire en fuite, une baroudeuse entrépide et un entrepreneur douteux vont ainsi s’embarquer dans une folle chasse au trésor, où chacun transpose sa propre quête. Une lecture dépaysante, distrayante et pleine de rebondissements, à offrir à tous types de lecteurs.
Balthazar et moi, Christian Vigne (Éditions Maurice Nadeau)
Par Lucille Souron
Marcel et Balthazar sont vieux et grincheux, certes, mais ils ont l’esprit d’entreprise. Enfin, surtout Balthazar. L’histoire de ce duo d’hommes – nous hésitons ici à employer le terme “ami” – hautement antipathique est le point de départ de Balthazar et moi, drôle de petit livre d’une centaine de pages publié tout récemment chez Maurice Nadeau. Son auteur, bien connu de la sphère francophone de Barcelone, n’est autre que Christian Vigne, libraire chez Jaimes.
Enfin, passons la biographie de l’auteur puisque c’est le livre qui nous intéresse et le livre, justement, est intéressant. Tant par son langage fleuri aux accents de nos grands-parents que par son arc narratif, tordu et absurde comme un vieux bois noueux, le premier roman de Christian Vigne étonne à chaque page. On suit avec délice les activités journalières de nos deux héros : la création de leur épicerie, la rencontre avec une première dame américaine et cette histoire d’amour ô combien étrange avec une voisine par trop curieuse. On y lit aussi la dépression, le silence des hommes, l’obsession des auteurs masculins avec les personnages priapiques – pourquoi est-ce toujours nécessaire ? – et une jolie couche de tendresse sous tout ce vernis rugueux. Un beau premier récit, bizarre et piquant comme on imagine les joues de Marcel.
Ces hommes qui m’expliquent la vie, Rebecca Solnit (Editions Point)
Par Elisa Brunel
Ces hommes qui m’expliquent la vie est un recueil de 9 essais de l’écrivaine américaine Rebecca Solnit. Comme son titre l’indique, l’ouvrage démarre sur une courte histoire dans laquelle l’autrice raconte avoir été victime d’une situation bien commune, qu’elle a été la première a nommer : le mainsplainning. Solnit décrit s’être fait expliquer son propre livre par un homme qui ne l’avait pas lu, l’anecdote annonce le ton du roman et fait sourire. Mais l’ensemble du recueil va bien au-delà de ce concept.
La journaliste se penche sur les structures (invisibles) qui permettent à certains de parler, pour eux et au nom des autres, de dominer sans même en avoir conscience. Au-delà d’une posture généralement masculine, elle démontre toute une hiérarchie entre ceux qui racontent le monde et ceux qui sont réduit au silence. L’autrice évoque le travail de photographes engagées, comme Susan Meiselas, dont l’ouvrage permet selon elle de représenter ce qui échappe. Encore une fois, Solnit cherche à résister à l’effacement. Plus qu’un pamphlet féministe, de livre touche à la politique du langage et de la mémoire. Il démontre subtilement la manière dont les récits construisent, ou effacent les existences.
L’âge d’or de la pub, Thierry Ardisson (Editions du Rocher)
Par Nico Salvado
On ne le voit plus beaucoup à la télévision, mais il a écrit un livre pour évoquer les campagnes de pubs audiovisuelles de son époque, qu’il considère comme un âge d’or. Dans un immense « c’était mieux avant », Thierry Ardisson considère que la pub aujourd’hui est nulle, alors qu’il y a 30 ans, c’était la folie furieuse. Ardisson parle de l’époque où il était créa dans des agences de pubs parisiennes et que c’était lui qui inondait les écrans de ses œuvres. Dans un « anti 99 francs de Beigbeder qui crachait dans la soupe », l’animateur glorifie le milieu publicitaire.
Dans L’âge d’or de la pub, il explique qu’il a créé le spot court, qui coûtait moins cher et permettait à toute entreprise de pouvoir entrer dans la danse. Saut dans le temps, les grands slogans du siècle dernier sortent du cerveau de l’homme en noir : « Wasa, Vas-y Wasa, Vas-y Wasa, Vas-y Wasa…” pour les biscottes ; « Salut, j’ai 8 secondes pour vous dire que la barre Ovomaltine, c’est de la dynamique » pour les barres énergétiques ; et même si vous trouvez que « Quand c’est trop, c’est Tropico » c’est un peu too much, voire beauf, pour Ardisson, nous sommes dans la quintessence de l’art publicitaire. Si aujourd’hui, c’est nul, c’est que les cost-killer des boites ont tué les créas selon celui qui est devenu une légende télévisuelle.
La librairie de Téhéran, Marjan Kamali (Éditions Hauteville)
Par Capucine Charlot
La librairie de Téhéran est un roman poignant, mêlant une histoire d’amour bouleversante à un contexte politique dévastateur. Nous sommes à Téhéran en 1953. Roya, une jeune fille passionnée de littérature, et Bahman, un jeune homme engagé politiquement, se rencontrent dans la librairie de M. Fakhri. C’est le début d’une romance intense, rapidement perturbée par le coup d’État contre le Premier ministre Iranien Mossadegh et les tensions de plus en plus importantes dans le pays.
Des années plus tard, Roya, désormais installée aux États-Unis, revisite son passé et cherche à comprendre les événements qui ont conduit à leur séparation tragique. Le roman explore avec sensibilité les thèmes de l’exil, de la mémoire et des choix de vie, mettant en lumière la situation politique de l’Iran dans les années 1950. L’écriture de Marjan Kamali est très simple et émotive. Pour ceux d’entre nous – c’est mon cas – avec peu de connaissances sur la géopolitique de l’Iran, son écriture fait basculer notre perception des récits axés sur l’histoire et la géopolitique. Les personnages, notamment Roya, sont illustrés avec une grande sensibilité : on s’attache d’autant plus au livre et aux parcours des personnages. Pour conclure, La librairie de Téhéran est une œuvre émouvante qui offre à la fois une belle histoire d’amour et une plongée enrichissante dans un moment clé de l’histoire iranienne. Ce roman éclairera tout esprit, comme il a éclairé le mien !