La « drogue des pauvres » envahit Barcelone

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Le trafic de médicaments servant à créer “la drogue du pauvre” s’intensifie dans les zones les plus populaires de la ville. Forces de l’ordre et autorités médicales tirent la sonnette d’alarme. 

Photo : Cyane Morel

Les Mossos d’Esquadra ont récemment saisi chez des dealers de plaquettes de Lyrica, un médicament à base de prégabaline prescrit contre l’épilepsie et les douleurs neuropathiques.  Ce type de comprimé, prisé pour ses effets analgésiques puissants, circule largement dans les zones les plus précaires de Barcelone, en particulier à Ciutat Vella, où vivent de nombreuses personnes en situation d’exclusion sociale.

Les forces de l’ordre signalent également une recrudescence des saisies de Rivotril, nom commercial du clonazépam, une benzodiazépine aux effets sédatifs et anxiolytiques. Ces deux médicaments sont souvent consommés de façon détournée, mélangés à du cannabis, de l’alcool, voire de la colle, ou revendus à l’unité dans la rue pour calmer les symptômes du manque.

Des populations vulnérables

Selon les autorités, la majorité des consommateurs sont originaires du nord de l’Afrique, vivant souvent dans des conditions précaires. Le phénomène n’est pas nouveau : dès la fin des années 2000, une drogue connue sous le nom de « Karkubi » — un mélange de Rivotril, de haschisch et d’alcool — s’est popularisée dans certains quartiers défavorisés. Surnommée « la drogue des pauvres » en raison de son faible coût et de son accessibilité, elle peut provoquer hallucinations et comportements violents.

Lire aussi : Alcool, fêtes, drogues, comment ne pas se perdre à Barcelone ? 

Avec les mouvements migratoires, cette pratique s’est diffusée dans plusieurs pays du bassin méditerranéen, y compris l’Espagne. Un rapport financé par la Délégation gouvernementale pour le Plan national sur les drogues révèle que les jeunes passés par des centres de protection de l’enfance sont particulièrement enclins à abuser de la prégabaline. Ces profils, souvent sans-abri et polyconsommateurs, ne rejettent pas non plus l’usage de substances plus dures comme l’héroïne.

Des médicaments « festifs »

Au sein de l’hôpital Clínic de Barcelone, les données confirment cette tendance. En 2023, 5% des cas d’intoxications liés aux drogues traités en urgence étaient dus à la prégabaline. Le docteur Emilio Salgado, responsable de l’unité de toxicologie, souligne que ces médicaments sont parfois utilisés « de manière festive ou pour amortir les effets de drogues dures dans les milieux marginalisés ». Bien qu’ils soient prescrits, leur prix bas et leur disponibilité relative en font des substances propices à l’abus.

Le docteur rappelle aussi que la prégabaline n’est pas régulée avec la même sévérité que les opioïdes, même si les notices médicales mettent en garde contre les risques de dépendance, notamment chez les personnes ayant des antécédents de toxicomanie. Les cas les plus graves sont détectés lorsque la police découvre des individus inconscients dans la rue. Les analyses toxicologiques révèlent alors des taux élevés de ces médicaments, parfois associés à d’autres substances. Certains détenus affirment les avoir ingérés pour se donner du courage avant de commettre des délits, malgré leurs effets sédatifs.

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