À Barcelone, les cours de sport en plein air attirent toujours plus d’adeptes, au grand dam des professionnels du secteur. Entre absence de licences, non-déclaration des coachs et manque de contrôles municipaux, le phénomène soulève de nombreuses questions légales.
Une séance de sport à la plage de Sant Sebastia. (Crédit : Equinox)
Playlist à fond, burpees au soleil, et coach Instagram en vedette… Avec le retour des beaux jours, les accros au sport sont de plus en plus nombreux à dérouler leur tapis de yoga ou à transpirer en groupe aux quatre coins de la ville. De quoi donner à la Cité comtale des allures de salle de sport géante. Il suffit de flâner sur les groupes d’expatriés sur les réseaux sociaux pour voir défiler les propositions de coachs sportifs pour des sessions en plein air. Pilates, fitness, cross-fit… Il y en a pour tous les goûts.
Barcelone transpire ainsi dans tous les sens, mais pas toujours dans les règles. Beaucoup de ces cours semblent organisés sans autorisation, parfois même sans que le coach soit déclaré. Pas de local à payer, pas de frais fixes… la tentation est grande pour ces coachs en plein air. Encadrement flou, règles ignorées, musique à fond et cris d’encouragement… Est-ce encore du sport ou déjà un trouble à l’ordre public ?
Jordi Violan Fors, gérant de l’Adecaff, l’association des entreprises catalanes du fitness, nous éclaire sur ces activités très… sombres, c’est le moins que l’on puisse dire. « Toute activité organisée par un centre disposant des autorisations nécessaires délivrées par le district ou la mairie ne pose aucun problème », assure-t-il d’emblée. Le problème, selon lui, vient des initiatives privées, parfois complètement informelles, qui échappent à toute régulation.
« Aujourd’hui, n’importe qui avec un compte Instagram et des milliers d’abonnés peut organiser une séance de taekwondo dans un parc. C’est très opaque, et ça nous a beaucoup pénalisés. Il y a un doute raisonnable sur le fait que toutes ces personnes qui organisent des activités en plein air respectent les normes en vigueur », souligne-t-il. Il évoque notamment l’absence possible d’assurance responsabilité civile, le non-enregistrement comme travailleur indépendant ou encore le défaut de déclaration à la Sécurité sociale. « Il y a toute une série de règles à suivre que les centres sportifs respectent. Ce n’est pas juste que d’autres puissent exercer en toute liberté sans les assumer. »
Le gérant de l’Adecaff estime qu’une part importante de ces activités échappe aussi au contrôle fiscal : « Est-ce qu’ils facturent avec TVA ? Sans TVA ? Comment les clients paient-ils ? Il y a beaucoup de zones d’ombre. »
Le sport en plein air, un phénomène qui a explosé depuis 2020
Depuis la pandémie de Covid-19, ces initiatives se sont multipliées. Face à la fermeture des salles, certains coachs se sont tournés vers les espaces publics pour maintenir leur activité. Une tendance qui persiste, même si, selon Jordi Violan Fors, le phénomène a perdu de l’ampleur : « Aujourd’hui, il en reste, mais beaucoup moins qu’à la fin de l’année 2020 ou en 2021. »
Le flou s’étend également à des acteurs inattendus, comme certains magasins de sport qui organisent des séances collectives pour promouvoir leurs produits… soi-disant. « Un magasin vend des chaussures, il ne devrait pas organiser des sessions de sport. Chacun son métier », tranche l’expert.
La régulation de ces pratiques relève de la mairie de Barcelone, qui a déjà été alertée et aurait mené quelques contrôles, selon Jordi Violan Fors. « Je sais qu’elle a pris quelques mesures, et même mené des actions avec la police municipale. » Mais dans les faits, sur le terrain, les contrôles sont rares. Avouons-le : on voit des cours se dérouler au Parc de la Ciutadella alors qu’il y a des policiers tout autour. « Est-ce que la Guardia Urbana considère encore cela comme une priorité ? Je ne saurais le dire », tempère le gérant de l’Adecaff.
En attendant, les professionnels du secteur, réunis au sein de plusieurs associations, demandent davantage de contrôles. « Toutes les associations du secteur demandent un meilleur encadrement de ces pratiques », conclut Violan Fors.