Pourquoi Barcelone est la ville la plus bruyante d’Europe

C’est un fléau invisible qui pourtant pourrit la vie des habitants et affecte leur santé. Le bruit, sous toutes ses formes, ne serait-il pas l’ennemi numéro 1 de la qualité de vie à Barcelone ? 

Tout Barcelonais le sait : les nuisances sonores sont nombreuses dans la cité catalane, comme dans toutes les grandes villes… mais en pire. Car selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Espagne est le pays le plus bruyant d’Europe, et le deuxième au monde, après le Japon. Pourquoi la péninsule s’illustre-t-elle ainsi ? Si le bruit de la circulation routière est responsable de 80% de la pollution acoustique dans les grandes villes du monde entier, le pays bat tous les records avec la spécificité de ses nombreuses motos, parfois naturellement bruyantes ou volontairement poussées au rugissement. Une caractéristique liée à son climat, qui permet d’être en deux-roues à peu près toute l’année, et encouragée sans le vouloir, par les politiques municipales. Alors que la mairie a essayé de chasser les voitures de la ville en rendant plus difficile leur circulation, un certain nombre d’automobilisites sont passés à la moto, augmentant au passage les nuisances sonores générées.

« Impossible de vivre à Barcelone avec le bruit des motos », écrivait il y a quelques semaines un habitant sur le réseau social X. « Laisser la fenêtre ouverte dans l’Eixample, c’est impossible. En plus du bruit constant des voitures, quelqu’un passe en faisant du bruit avec son klaxon ou avec sa moto toutes les deux minutes », postait également le compte Ruido Barcelona (Bruit Barcelone) sur X. La configuration de la capitale catalane, et notamment ses nombreux grands axes routiers qui traversent la ville, en font la métropole la plus bruyante d’Europe. Alors qu’il dérange 30% des Bruxellois, 43% des Madrilènes ou encore 60% des Parisiens, le bruit de la circulation affecte 83% des Barcelonais.

Photo Clementine Laurent Equinox 5 de 59

Mais il y a des bruits qui rendent la vie encore plus impossible: ceux des chantiers. Vidal, 70 ans, habite avec sa femme un appartement cossu de plus de 150 mètres carrés sur le Passeig Sant Joan. Pendant près de 6 mois, il a vécu un véritable enfer : la construction presque intégrale de l’immeuble mitoyen du sien. « Du marteau-piqueur de 8h à 20h, du lundi au vendredi, tu ne vis plus », nous explique-t-il, parfois coupé, justement, par le bruit d’un marteau-piqueur. « Là, ça se termine, c’est beaucoup plus calme ».

Impuissants, lui et ses voisins ont accroché des pancartes à leur balcon : « stop à la torture acoustique », « ce n’est pas un chantier, c’est un supplice », « insupportable ». Mais les travaux sont légaux et malgré quelques rendez-vous avec la mairie, les voisins ne peuvent que prendre leur mal en patience… ou quitter leur logement. « Ma femme allait à la bibliothèque et moi dans un bureau que j’utilise pour des activités professionnelles ».

Vie nocturne et terrasses

Pour cet entrepreneur à la retraite, le niveau de bruit a beaucoup augmenté ces dernières années à Barcelone, notamment à cause « d’un mauvais tourisme, bas de gamme ». Selon l’OMS, la vie nocturne est un autre facteur du haut niveau de nuisances sonores en Espagne. « On a un bar au coin de la rue, cela cause beaucoup de problème ». Avec un bar pour 165 habitants, l’Espagne est plus bien lotie en débit de boissons… et les excès qui vont avec. Selon les experts, tout bruit dépassant les 65 décibels devient nuisible pour l’oreille humaine, et peut être douloureux à partir de 120 décibels. A titre de comparaison, le klaxon d’une voiture émet 90 décibels, tandis qu’un marteau-piqueur ou une terrasse de café pleine peuvent atteindre 110 décibels.

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Là encore, Barcelone est victime de son climat, les terrasses de café faisant partie de son charme et de son mode de vie. Problème : leur nombre a doublé en huit ans, rendant la vie impossible à de nombreux riverains. Joan Carles, 59 ans, habite dans la jolie rue piétonne Allada-Vermell, dans le Born. Trop jolie sans doute, et « idéale pour les terrasses », reconnaît-il.

En bas de chez lui, il en compte trois, ouvertes sept jours sur sept, dont deux presque collées à son immeuble. « Ils auraient pu les mettre au milieu de la rue, plus loin des habitations ». Avec son association de quartier, Joan ne demande pas de fermeture, mais au moins pour des horaires plus raisonnables pour les riverains, avec une fermeture des terrasses à 23h. Actuellement, elles peuvent ouvrir jusqu’à minuit en semaine et à 1h le week-end.

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Selon le rapport de l’OMS, un Espagnol sur dix considère que son environnement est bruyant, affectant sa santé et sa qualité de vie. Plusieurs études ont montré que le bruit barcelonais provoque des risques cardiovasculaires accrus, des difficultés de concentration, des retards d’apprentissage et des troubles du sommeil. Mais les pouvoirs publics sont à la traine sur le sujet. L’année dernière, la Fédération des Associations des Voisins de Barcelone (FAVB) a recueilli plus de 15 000 signatures lui permettant de présenter une initiative citoyenne au conseil municipal afin de modifier les normes applicables aux terrasses. Elle n’a toujours pas été étudiée.


[BONUS VIDÉO] Les bruits les plus insupportables pour les Barcelonais

 

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