L’Espagne est une bien triste championne : celle de la pauvreté infantile. La faute à un ascenseur social bloqué, qui contraste avec la croissance économique flamboyante du pays.
Photo : mairie de Barcelone
Le paradoxe est inquiétant : l’Espagne sera l’économie occidentale à la plus forte croissance en 2025 selon l’OCDE… mais ses chiffres en matière de pauvreté infantile relèvent presque du tiers-monde. En 2024, un enfant espagnol sur trois était en risque d’exclusion sociale, selon Unicef, et un sur dix manquait de ressources de base. Des statistiques qui font tache dans le paysage doré des projections macroéconomiques, et qui placent l’Espagne juste après la Roumanie sur ce sujet, c’est-à-dire à la marge de l’Europe sociale.
Ce phénomène a un nom : la pauvreté héritée. Une transmission générationnelle de la vulnérabilité économique dont les chiffres sont éloquents. En Espagne, 60 % des enfants dont les grands-parents ont connu la pauvreté vivent aujourd’hui la même réalité. Un adulte sur deux, élevé par des parents peu ou pas diplômés, n’a pas dépassé le niveau de scolarité obligatoire.
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Les causes sont connues : scolarisation fragile, logement précaire, emploi instable, familles monoparentales, problèmes de santé des enfants… Ce sont les mêmes marqueurs partout, et les politiques publiques semblent avoir renoncé à les corriger.
En 2022, un rapport du ministère des Droits sociaux chiffrait à 63 milliards d’euros par an le coût de cette pauvreté infantile pour l’économie espagnole : pertes en productivité, en formation, en santé mentale. La pauvreté coûte cher.
Quelle solution ?
Les associations de terrain – Cáritas, Croix-Rouge, Save The Children – tiennent à bout de bras les familles oubliées à coups de colis alimentaires, de kits scolaires et de stages d’insertion. Un système parallèle qui aide du mieux qu’il peut tout un pan de la société mis de côté.
Et l’avenir ? C’est peut-être la pire nouvelle. La génération qui a grandi dans l’Espagne de la crise de 2008 arrive à l’âge adulte. Faute d’avoir reçu les moyens de se construire, elle reproduit, mécaniquement, les mêmes marges, la rendant moins éduquée, plus précaire, plus exposée à la violence. Pour UNICEF, la solution pour sortir de là est politique : « Il faut encourager la mise en œuvre d’un plan d’action national pour les enfants, améliorer l’investissement sur le sujet dans le budget général 2025 et parvenir à un accord politique contre la pauvreté des mineurs. »