Alors que l’Espagne connait la plus belle croissance d’Europe, le dérèglement climatique peut-il faire dérailler économiquement le pays ? C’est une des perspectives négatives que met en relief une étude parue cette semaine.
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L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) anticipe une embellie du produit intérieur brut espagnol, avec une progression attendue de 2,5 % en 2024, suivie d’une nouvelle hausse à 2,6 % en 2025. Cette performance placerait l’Espagne en tête des grandes puissances économiques en matière de croissance, dans un contexte européen encore fragilisé. Pourtant, les nuages du changement climatique pourraient venir couvrir le ciel bleu économique espagnol.
En effet, un rapport alarmant publié par les Fondations Naturgy et PwC, en collaboration avec la Croix-Rouge envisage une chute de 17,8 % du revenu par habitant (PIB) d’ici 2049. Les régions du sud, notamment l’Andalousie et l’Estrémadure, ainsi que Madrid, figurent parmi les plus exposées à ces bouleversements. Dans ses pages, le rapport insiste : « le changement climatique n’est plus seulement une question écologique. Il agit désormais comme un amplificateur des inégalités sociales. La hausse des températures entraînera une augmentation significative de la demande énergétique, faisant peser un risque accru de précarité énergétique, en particulier dans les zones les plus chaudes du pays ».
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Autre point inquiétant : la raréfaction des ressources en eau. Plus de 22 millions d’Espagnols pourraient être confrontés à des pénuries hydriques sévères, compromettant l’accès à l’eau potable et la viabilité de l’agriculture avant 2050. A titre d’exemple, les rendements de cultures clés comme le maïs pourraient chuter de plus de 80 % en l’absence d’irrigation suffisante.
Pour ceux qui jugeraient alarmiste ce rapport, il faut prendre en compte que le changement climatique ne relève plus de la prospective : ses effets économiques sont d’ores et déjà tangibles. Depuis l’an 2000, les catastrophes liées aux phénomènes climatiques extrêmes — tempêtes, inondations, sécheresses ou vagues de chaleur — ont causé des dommages estimés à plus de 3 450 milliards d’euros. Ces événements n’épargnent ni les infrastructures, ni les entreprises, affectant leur productivité et provoquant de graves perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. En 20 ans, le coût de ces désastres a doublé.
Un déséquilibre démographique et social
La sécheresse, on a pu le constater amèrement lors des saisons estivales précédentes, est un élément déclencheur de la multiplication des feux de forêt. Or, ce même rapport élabore un scénario avec quarante jours supplémentaires de risque extrême par an, provoqué par un réchauffement du climat espagnol de +3°C . Ce qui aurait pour effet de contraindre de nombreux Espagnols à fuir les zones sinistrées, aggravant ainsi les déséquilibres démographiques et sociaux déjà existants. En Europe, les vagues de chaleur pourraient provoquer jusqu’à 300 000 morts par an, et l’Espagne est l’un des pays les plus exposés.
Le rapport conclut que sans politique ambitieuse de réduction des émissions et d’adaptation aux nouvelles réalités climatiques, l’Espagne s’expose à un avenir marqué par l’instabilité, la pauvreté et des fractures sociales accrues.