Dans 10 ans, les courbes démographiques vont s’inverser, faisant de la Catalogne une région davantage habitée par les seniors que par les jeunes. Au vu de ces prévisions, comment peut-on imaginer la région en 2034 ? La sociologue Marina Subirats a bien voulu nous aider à penser ce futur.
Photo de couverture : Alejandro García (image modifiée par IA)
Moins de jeunes, plus de vieux : c’est le constat de la dernière étude de l’IDESCAT (institut des statistiques de Catalogne). On y voit – comme on le sait déjà depuis longtemps – que le futur démographique de la région tend au vieillissement de la population.
Dans 10 ans, on note par exemple qu’il y aura plus de femmes de 75 ans que de 15 ans : un chiffre inédit. Mais ces données ne surprennent pas la sociologue : « il faut dédramatiser », commente-t-elle. Certes, la baisse de natalité réduit le nombre de jeunes Catalans, mais l’immigration compensera cette tendance.
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En école primaire aujourd’hui, 2 élèves sur 10 sont d’origine étrangère. En 2034, ce chiffre augmentera, et c’est tant mieux, explique la sociologue. Sans les immigrés « les écoles fermeront faute d’élèves pour les remplir ». Surtout, continue-t-elle, « les familles de migrants ont en général beaucoup d’enfants, ce qui suffira amplement à combler la baisse ». Enfin, tout cela dépendra beaucoup des choix politiques de la région et du pays.
En effet, pour la sociologue, une société vieillissante n’est pas une tare, si tant est qu’elle se porte bien. Aujourd’hui, on vit en bonne santé jusqu’à 85 ans. En 2034, les avancées médicales pourraient repousser cette limite à 87 ans, voire plus, si le climat économique le permet.
Pour elle, le climat politique a aussi son importance. Car si les partis d’extrême-droite venaient à gouverner, les frontières auraient de grandes chances de se fermer. On aurait alors moins d’immigrés, donc une démographie en baisse : « c’est très difficile de faire des prévisions car tout peut changer en fonction des données politiques et économiques », conclut ainsi la scientifique.
Une société vieillie est-elle une société affaiblie ?
Outre l’école, qu’est-ce que peut changer dans nos manières de vivre la sur-représentation des seniors ? Ce vieillissement modifiera-t-il notre rapport à la mort ? Pour Marina Subirats, cette nouvelle démographie pourrait effectivement changer la manière d’appréhender le temps qui passe, dans un certain « retour à la nature ».
Dans le passé, les générations se côtoyaient. Les enfants vivaient avec leurs grands-parents et assistaient en première ligne à leur vieillissement et souvent à leur mort : ils avaient un rapport frontal à la grande faucheuse, et ce, dès le plus jeune âge. Aujourd’hui, c’est beaucoup moins le cas.
Photo : Clémentine Laurent
Les seniors sont en général envoyés dans des maisons de retraite – même si l’Espagne a moins ce réflexe que la France – et les âges différents se côtoient moins. Dans 10 ans, Marina Subirats envisage un plus grand brassage entre générations : sans doute aurons-nous alors moins peur de la mort et du temps qui passe.
Le vieillissement de la population suscite souvent rejet et inquiétude. Mais notre sociologue est en désaccord avec cette position : « de croire que la société vieille est une société faible, c’est un discours qui avait du sens au siècle dernier, quand il fallait des jeunes pour pouvoir partir en guerre. Aujourd’hui, vouloir une population peu âgée pour pouvoir aller au combat n’a aucun sens ».
Marina Subirats va même plus loin, expliquant que si une société vieillit, c’est car elle prospère. Elle prend comme contre-exemple certains pays pauvres d’Afrique avec des populations très jeunes, mais une mortalité précoce. Finalement, 2034 en Catalogne ne fait plus si peur. Et si vieillir était une chance ?