À Barcelone, quand s’expatrier rime (souvent) avec rupture d’amitié

Cyane Morel

En quittant le pays, on quitte parfois ses amis. S’appeler, passer les vacances ou les week-ends ensemble peut aider, mais souvent, malheureusement, les amitiés hors-frontières s’éteignent. Témoignages de ceux et celles qui vivent des ruptures d’amitié. 

Photos : Cyane Morel – Clémentine Laurent

« Je n’ai pas l’impression d’avoir perdu des amis, mais évidemment tu vas dans des directions différentes donc tu te perds de vue », résume amèrement Tristan. Ce Franco-Américain qui vit du côté de Sants s’est expatrié à Barcelone il y a 5 ans. Le jeune homme de 27 ans est dans une situation un peu spéciale, puisque c’est encore plus compliqué pour lui de garder des liens avec ses amis restés outre-Atlantique. Mais sa réalité est partagée avec un grand nombre d’expats français, qui en traversant leur frontière ont aussi fermé la porte à certaines relations.

Si l’expatriation est pour beaucoup une expérience réussie, elle vient avec ses contraintes, notamment l’éloignement de ses proches. La recherche a prouvé qu’on est le plus dépendant de ses amis entre 15 et 24 ans, au moment de l’adolescence et du début de la vie d’adulte. Or, les expatriés se situent majoritairement dans la tranche d’âge 30-39 ans (47 % des hommes et 53 % des femmes interrogés). L’expatriation arrive souvent juste après la période où l’amitié est la plus forte, ce qui peut expliquer une certaine distance progressive.

« C’est tellement facile de perdre contact »

En effet, cela fait moins mal que de déménager pendant son adolescence mais tout de même, s’expatrier représente un grand saut dans l’inconnu. Surtout quand on le fait plusieurs fois, explique Marie, 55 ans, qui vit à Pedralbes avec son mari mais a auparavant vécu dans plusieurs pays : « au bout de 30 ans, il y en a peu qui ont tenu la route et qui sont restés après les déménagements ». D’ailleurs, 64 % des expatriés expriment des difficultés liées à l’éloignement de leurs proches et à la difficulté de créer des amitiés durables, selon une enquête d’Expat Communication.

Lire aussi : Les 5 phases de l’expatriation à Barcelone

Marie nous parle aussi « des changements de personnalité dus aux voyages », une donnée qui, en effet, peut séparer les routes. Comment connecter encore avec ses amis d’enfance restés 30 ans au même endroit quand on a voyagé, rencontré et vécu d’autres vies ? C’est alors une séparation choisie : on décide qui on veut garder dans sa vie.

Alexis, 27 ans et depuis 3 ans à Barcelone parle, lui aussi, d’un choix : « ça demande un vrai effort des deux parties pour continuer une amitié longue distance. C’est tellement facile de perdre contact. Tant qu’on vit là où on a toujours vécu on ne s’en rend pas compte. Mais avec toutes les distractions, nos vies chacun de nos côtés, si on ne se dit pas toutes les deux semaines ‘on s’appelle’ et on le met dans le calendrier, oublier est trop vite arrivé. Tu dois vraiment te poser la question de : ‘avec qui je veux garder contact et qui je n’ai pas envie de perdre de vue ?' ».

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Finalement, gérer ses amitiés est une histoire de tri, qui fait parfois du bien. Même si les ruptures d’amitié ne sont jamais simples, comme le dit Yoa dans la chanson Contre-coeur : « C’est drôle comme on sait enterrer / Les histoires d’amour du passé / Mais putain comme c’est compliqué / De dire adieu aux amitiés ».

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