Il y a 18 ans, Barcelone révolutionnait sa mobilité avec Bicing, son service de vélos en libre-service. Aujourd’hui, 1 500 000 personnes utilisent mensuellement les vélos rouges. Jusqu’à saturer le réseau ?
Photos : mairie de Barcelone
C’est l’histoire d’une success-story à deux roues. Le 22 mars 2007, Bicing s’installait à Barcelone avec 13 stations et 200 véhicules. La municipalité ne s’attendait pas à un tel engouement populaire et pourtant on compte aujourd’hui 527 stations et environ 7 000 vélos, majoritairement électriques.
Mais cette belle histoire n’est pas exempte de faux pas. Depuis 18 ans, les utilisateurs ont fait face à divers problèmes : selles instables, application défaillante, freins capricieux ou bornes saturées. Même si Alexis, 27 ans, Français de Barcelone depuis 3 ans et utilisateur quotidien de Bicing pense que « le service est mieux qu’il y a quelques années avec moins de pannes », la rumeur populaire suggère le contraire. Clémence et Amélie, deux Françaises de Barcelone qui y habitent respectivement depuis 8 et 2 ans, trouvent, elles, que la situation a empiré depuis quelques temps.
Serait-ce la faute de la sur-utilisation de l’application ? Depuis la pandémie, les trajets quotidiens ont bondi de 45 %. Et même si le site explicite que « Bicing est un service à destination des citoyens de Barcelone » et ne peut pas délivrer d’abonnement à des vacanciers, il est possible d’avoir un accès sans présenter de NIE ou de DNI espagnol. Dans le cas où une personne possède ces documents, l’abonnement est simple et en ligne.
Dans le cas contraire – et peu sont au courant – c’est aussi possible d’en faire la demande en se déplaçant en mairie avec un passeport et un justificatif de domicile barcelonais. Les digital nomads peuvent ainsi s’abonner, contribuant à l’explosion du nombre d’utilisateurs.
Une saturation qui engendre des dysfonctionnements, malgré les tentatives de la mairie pour y remédier. C’est que Bicing est un service de la mairie et donc soumis à des budgets serrés, bien qu’exploité par une entreprise privée, Pedalem Barcelona. L’application est par ailleurs déficitaire d’environ 12 millions d’euros : compliqué d’investir massivement dans un tel panier percé.
Des travaux gênants
Au-delà de ces problèmes techniques, Théotime, jeune français d’ailleurs en colocation avec Alexis, souligne un autre souci : les travaux. Selon ce Lyonnais qui habite dans le Raval, « le problème n’est pas forcément une question de qualité des vélos. C’est plutôt le contexte. La ville est en construction partout, donc ce n’est pas agréable parce qu’il faut faire des détours ou partager la même voie que les voitures. Depuis 8 mois, nous n’avons pas pu utiliser la Rambla parce qu’elle est en construction, et ce n’est que le début ». Et il a raison, les travaux ne sont pas près de s’arrêter : 1 300 interventions seront réalisées dans 30 quartiers sur l’année 2025.
Face au problème de la circulation, certains utilisateurs, notamment les livreurs à vélo, décident simplement de rouler sur le trottoir, rendant la voie dangereuse pour les piétons. Depuis le 1er février dernier pourtant, il est interdit aux scooters et aux vélos de conduire sur le bas-côté, sous peine d’une amende de 500 euros.
Entre les travaux et les amendes, les cyclistes ont bien du mal à se frayer un chemin sur les pourtant 264 km de pistes cyclables de Barcelone. Pour améliorer son raison, la mairie n’envisage pas d’augmenter les tarifs usagers mais préfère investir encore davantage dans la publicité, comme cela a été fait depuis des années.
De son côté, le gouvernement catalan s’en est mêlé en fin d’année dernière, proposant de baisser de 50 % les tarifs – à l’instar de ce qui se fait déjà avec le métro et les bus – à la condition que l’État mette 30% et l’administration publique compétente (ici l’ATM) mette les 20% restants. Une offre qui amènerait encore plus de monde à utiliser le réseau : pas forcément une bonne idée face à la surcharge déjà observée.
