La Caixa et Sabadell rapatrient leur siège en Catalogne : « Barcelona is back »

Quatre fois par mois, Equinox laisse ses colonnes à une personnalité francophone d’Espagne pour une tribune libre. Et c’est Christian Marion, directeur de la Chambre de Commerce française de Barcelone, qui prend la plume aujourd’hui. 

Le 19 octobre 2017, une semaine avant la déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne, la Chambre de Commerce Française de Barcelone réunissait 170 entreprises membres dans une salle comble d’un hôtel carrer Rosselló. À l’ordre du jour : les implications fiscales, légales et commerciales d’une hypothétique indépendance. J’y étais. Les visages étaient fermés, les interventions graves. Déjà à ce moment-là, les entreprises entrevoyaient les années difficiles qui allaient s’abattre sur la Catalogne.

Depuis, près de 10 000 entreprises ont transféré leur siège social hors de la région, un mouvement largement facilité par le gouvernement Rajoy. En octobre 2017, l’exécutif espagnol avait en effet adopté une loi express permettant de changer de siège social en un simple « clic ». À mi-chemin entre outil de protection des entreprises et moyen de pression sur le gouvernement rebelle, l’impact a été indéniable.

Cependant, la réalité est plus nuancée : si les sièges sociaux ont changé d’adresse, les entreprises, elles, ont conservé leurs employés, leurs bureaux et leur activité sur place. Dans ce contexte, Barcelone a su préserver son attractivité et s’imposer comme un pôle incontournable pour les hubs d’innovation de grandes multinationales. En 2017, la Catalogne en comptait à peine 57 ; aujourd’hui, selon le dernier rapport de la Mobile World Capital, ce chiffre est monté à 160.

Il ne fait aucun doute qu’une perte de vitesse relative a eu lieu, mais elle reste significative. Le rêve de bi-capitalité imaginé par Pasqual Maragall il y a vingt ans s’est estompé, et ces dix dernières années ont vu les décisions stratégiques se recentrer sur Madrid. Les entreprises l’ont bien compris : certaines ont rapatrié leurs comex dans la capitale, séduites aussi par une fiscalité plus avantageuse.

Mais après cette crise de « puberté indépendantiste », teintée d’un populisme auquel même la Catalogne n’a pas échappé, le vent tourne. Les entreprises commencent à revenir. La première à franchir le pas fut Agbar en 2018, une entreprise française au demeurant, mais c’est surtout le retour – partiel – de La Caixa et de la Banque Sabadell qui a fait la une des journaux. Un message fort, car ces sociétés, cotées et soumises à une réglementation stricte, sont les plus exposées à un hypothétique « Catalanexit »… aujourd’hui de moins en moins probable. Et elles ne seront sans doute pas les dernières à revenir.

Les efforts déployés par les socialistes – au pouvoir en Espagne, en Catalogne et à la mairie de Barcelone – ont clairement porté leurs fruits. Une politique d’apaisement et des gestes forts envers les indépendantistes ont permis à la realpolitik de reprendre le dessus au sein de l’échiquier parlementaire catalan.

Depuis son élection, Salvador Illa multiplie les rencontres avec les acteurs économiques. Son discours du 10 décembre dernier, lors de la remise du Prix Pyrénées, a marqué les esprits : une intervention optimiste, tournée vers l’avenir, qui laisse entrevoir une Catalogne renouant avec son rôle moteur en Espagne. Son gouvernement l’a clairement affirmé : il compte bien rattraper le retard pris face à Madrid.

Dans un contexte où la géopolitique s’invite dans toutes les conversations, il semblerait que « Barcelona is back ». Et c’est tant mieux : nous l’attendions tous.

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