L’Espagne à l’heure du féminisme : comment vont (vraiment) les hommes ?

Equinox Barcelone masculin

L’Espagne se veut pionnière en égalité des sexes. Mais après 45 ans de dictature conservatrice, elle porte encore les stigmates d’une misogynie enracinée. En 2025, dans un pays où le féminisme côtoie de plus en plus de masculinisme, où en sont les hommes ? 

 Photo de couverture : Machos Alfa Netflix

« J’ai grandi dans les années 1990. L’image que j’ai des hommes, ce sont typiquement des hommes durs, sûrs d’eux, très masculins, qui ont du mal à exprimer leurs sentiments parce que c’est considéré comme un signe de faiblesse », raconte Jordi, Barcelonais de 33 ans, né et élevé dans la cité comtale. Comme lui, beaucoup d’hommes espagnols peinent à concilier l’éducation qu’ils ont reçue – prônant les valeurs du « vrai homme » – avec une société qui les pousse à se déconstruire.

Selon la dernière étude de la FAD (fondation pour la santé des jeunes) auprès des Espagnols d’entre 15 et 29 ans, 6 jeunes sur 10 disent avoir reçu une éducation traditionnelle en ce qui concerne les genres. On leur a inculqué qu’un « vrai homme » est dur, fort, responsable, travailleur, insensible et séducteur. Il domine la femme. Mais l’étude est formelle, de plus en plus de jeunes rejettent ces idées : 46 % des hommes se disent féministes.

Un résultat qui reflète l’engagement de l’Espagne en matière d’éducation au genre. En 2022, le gouvernement annonçait par exemple son troisième plan stratégique pour l’égalité femme-homme, expliquant investir 21 millions d’euros dans ce programme visant à « faire du féminisme une affaire d’État ».

Et ça fonctionne. 3 jeunes sur 4 perçoivent les violences de genre comme un problème social majeur, rapporte l’étude. 

Equinox Barcelone femmes inégalités

Photo : Equinox

Mais cette avancée heurte certains groupes masculins : 39 % des hommes qui s’identifient avec les stéréotypes de masculinité hégémonique pensent que le féminisme leur veut du mal. « Peut-être que certains ne sont pas prêts à entendre que l’égalité est une chose indiscutable », tente d’explique Jordi, notre avocat barcelonais.

Extrême-droite et masculinisme

Ce rejet du féminisme ne reste pas marginal. Il se structure, notamment au sein de l’extrême-droite, où la défense d’une masculinité « traditionnelle » se mêle souvent aux discours nationalistes et religieux. En Espagne, c’est ce qu’il se passe avec le collectif néo-fasciste Facta, qui s’est réuni en novembre dernier à Madrid pour parler masculinité.

Durant cette réunion, les membres ont évoqué José Antonio Primo de Rivera, rien de moins que le fondateur de la Phalange, comme exemple d’un « vrai homme ». Les chiffres confirment cette liaison entre partis de droite et vision machiste de la société. Selon l’étude, 16 % des jeunes de droite adhèrent aux modèles traditionnels de masculinité. Ce chiffre monte à 20 % chez ceux qui se considèrent très religieux.

Jordi nous confirme, lui aussi, le rôle du franquisme dans l’évolution idéologique de l’Espagne : « peut-être qu’on n’est pas le pays le plus progressiste du monde car on a eu 45 ans de dictature pendant lesquels la femme était assujettie à l’homme. Depuis la démocratie, on a beaucoup lutté pour l’égalité mais il y a encore du chemin à faire, c’est sûr ».

Un chemin déjà bien tracé car l’Espagne se transforme indubitablement, que ce soit dans la sphère privée ou publique. En témoignent par exemple des séries modernes comme « Machos Alfa » sur Netflix. Dans cette fiction, quatre hommes dans la quarantaine font face à une société qui change trop vite pour eux.

Au Pays basque, ce n’est pas à la télévision mais dans la vraie vie que le changement opère, avec des « cours de formation sur l’égalité des sexes pour les hommes exerçant une fonction publique ». Un pari sur l’avenir : déconstruire la masculinité dès la sphère publique pour que, demain, ces résistances ne soient plus qu’un vestige du passé. 

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