À Barcelone, Lluís Hortalà nous met le doigt dans l’oeil

Equinox Barcelone Lluís Hortala

L’espace Volart de la fondation Vila Casas accueille jusqu’en juillet « Poner el dedo en el ojo », une exposition contemporaine signée Lluís Hortalà. Et on prévient d’avance, il ne faut pas se fier à ce que l’on voit. 

Photos : LS

Qu’ont en commun une guillotine, du faux marbre et Montserrat ? Lluís Hortalà, évidemment. L’artiste catalan expose jusqu’au 13 juillet à l’espace Volart de Vila Casas son « Poner el dedo en el ojo ». Difficile, à première vue, de résumer cette exposition où la peinture sculpturale, le dessin photographique et l’image en mouvement se côtoient. Heureusement, ici, tout est question de point de vue.

Lluís Hortalà est un petit malin. Tout le long de la déambulation, ses oeuvres sont comme posées là, sans réel ordre, se juxtaposent et se parlent, de sorte à troubler notre oeil de visiteur pourtant averti. L’espace Volart y est pour beaucoup dans cette confusion : mélangeant boiseries bourgeoises et plafonds comme encore en chantier, la sphère de l’espace-temps semble en ce lieu s’être évaporée.

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Mais dès le départ, l’artiste nous ramène sur terre avec son « Echafaud », une sculpture de marbre en forme d’escalier, qui ne mène sur rien. On s’approche. Ce n’est pas du marbre mais une pièce de bois peinte à l’huile. On s’est bien mis le doigt dans l’oeil. Allons voir (ou essayer de voir) le reste.

Alpinisme et Marcel Duchamp

L’artiste, grand passionné d’alpinisme, fait intervenir ses oeuvres sur la montagne (« Exercitatori », « Postals de Montserrat », « Diedre », « All the mountains I have climbed », « Atlas minéralogique visionnaire ») un peu partout dans l’espace. Peut-être trop, parfois, pour pouvoir se concentrer sur ses autres créations, au nombre desquelles sa série sur le musée, de loin la plus intéressante.

Fausses peintures sculptées ou fausses sculptures peintes, comme on préfère, ses reproductions des cheminées du Louvre ou de l’entrée de la salle espagnole de la National Gallery de Londres laissent admirateur de la technicité impressionnante de Lluís Hortala. Ils nous font surtout réfléchir. De quel droit un musée nous interdit-il de pénétrer dans un musée ? Quels sont les rapports de pouvoir qui s’illustrent ici ?

Ces installations en fait un exercice d’acceptation. Tout n’est qu’illusion, même l’espace sacré du musée.

Equinox Barcelone Lluís Hortala

Au-delà des montagnes et des musées, Lluís Hortalà aime les références, surtout françaises. De l’essai « On n’y voit rien ! » de Daniel Arasse au texte « Langue des pierres » d’André Breton en passant par les Rotoreliefs de Marcel Duchamp, les surréalistes sont bien représentés à coup de références discrètes mais évidentes.

Non pas dans la dimension du rêve qui leur était chère, mais dans l’idée d’une certaine incompréhension devant l’oeuvre et son caractère toujours inachevé. Quand on ne peut plus se fier à ses yeux, autant laisser son imaginaire parler, semble nous dire l’artiste.

Equinox Barcelone Lluís Hortala

L’inachèvement est un thème particulièrement présent. C’est le cas dans « Núremberg, la historia se repite siempre dos veces », une installation visible mais encore en train d’être créée par l’artiste. Il nous montre simplement, en laissant ses outils sur le site, à quoi ressemble le non-terminé.

Drôle de coïncidence, alors, que les perceuses et machines utilisées par la mairie sur les pavés juste devant le musée fassent résonner les bruits reconnaissables des travaux en cours.

Equinox Barcelone Lluís Hortala

En pénétrant dans « Poner el dedo en el ojo », il faut accepter l’incompréhensible, ouvrir son esprit aux trompe-l’oeil et aux illusions. On vous conseille surtout de bien se munir du livret explicatif. L’oeil ne suffit pas à voir cette exposition : il faut la comprendre.

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