Si beaucoup s’expatrient en quête d’une vie meilleure, la réussite sociale ne fait, bien souvent, pas partie des raisons pour lesquelles les Français choisissent l’Espagne. Pourtant, le pays offre des opportunités parfois inattendues.
Photo : Cyane Morel/Equinox
« L’ascenseur social est en panne ». Cette phrase, souvent entendue et répétée dans les médias français, résume bien la réalité d’un pays où il est difficile de changer de catégorie sociale. Selon une étude de l’OCDE, la France est en queue du classement mondial de la mobilité sociale dans les pays développés. Seule la Hongrie fait pire. L’Espagne se place, elle, un peu au-dessus de la moyenne.
Mais avec des salaires inférieurs à la France, la péninsule ne fait pas rêver les ambitieux. Il est pourtant possible d’y faire de belles carrières, selon Barbara Driss, consultante en ressources humaines à Barcelone.
« Les entreprises recrutent beaucoup de profils juniors dans le commercial et la relation client, et il y a beaucoup de turnover parmi les jeunes expatriés, qui viennent parfois vivre ici une expérience de quelques mois. Ceux qui sont stables, bosseurs et fidèles accèdent alors à un beau potentiel d’évolution ». L’experte, qui accompagne les personnes en recherche d’emploi ou en reconversion, raconte le cas d’un jeune entré dans un call center au premier niveau et qui, 10 ans plus tard, gérait 300 personnes dans 4 pays. Elle évoque aussi cette masseuse devenue commerciale senior dans une entreprise de software : « s‘ils ont envie de travailler, sont fiables et engagés au sein de l’entreprise, les jeunes peuvent monter très haut ».
Des perspectives pour les jeunes
C’est ce qu’a vécu Elodie, la quarantaine. Arrivée il y a 15 ans à Barcelone, la Dijonnaise n’avait même pas le bac et seulement quelques expériences en restauration. En deux semaines, elle est embauchée dans un centre d’appels. « Le salaire était déjà supérieur à tout ce que j’avais eu en France, avec les primes de langues étrangères et les commissions sur les ventes », explique-t-elle.
Au bout d’un an, elle postule pour un remplacement estival de manager, puis transforme l’essai : quelques mois plus tard, elle devient cheffe d’équipe. Elle a alors 28 ans. « Que l’on me donne un poste à responsabilités m’a permis de gagner confiance en moi, alors que je n’ai pas fait d’études et que je viens d’une famille d’ouvriers », poursuit-elle, persuadée qu’elle n’aurait pas eu les mêmes chances en France. De toute sa bande d’amis d’enfance, tous restés dans l’Hexagone, elle raconte être la seule à avoir changé de catégorie socio-professionnelle.
Un cas pas vraiment isolé. Selon l’étude de l’OCDE, la France s’illustre pour être l’un des pays européens où le taux d’emploi des personnes sans études supérieures est le plus bas : 51%. Alors que le taux d’emploi des diplômés du supérieur grimpe à 83%, dans la moyenne européenne.
Les recruteurs espagnols, eux, ont « moins d’a priori qu’en France », selon Barbara Driss. Sur les profils juniors, ils donnent assez peu d’importance aux études ou même à l’expérience, « car ils vont eux-mêmes les former ». L’expression de « recherche de talents », si souvent utilisée désormais dans le milieu du recrutement, prend ainsi beaucoup plus son sens dans la péninsule ibérique, où c’est la personnalité et le potentiel qui vont motiver l’embauche. Puis le travail fourni qui conduira à l’évolution, à des postes parfois très élevés.
Mais les opportunités ne sont pas les mêmes selon les secteurs, et pour un certain nombre de professions, évoluer peut s’avérer compliqué, notamment en raison de la taille des entreprises. En Espagne, les deux tiers des employés travaillent dans des petites ou moyennes entreprises. « On peut se retrouver plafonné dans des petites structures, il y a bien sûr plus de possibilités dans les multinationales qui ont des postes à l’échelle mondiale », admet Barbara Driss. Mais dans tous les cas, une expatriation apporte une forte valeur ajoutée à un parcours. « Ça te force à t’adapter, à apprendre une nouvelle langue, tu montes forcément en compétences », conclut l’experte.