Régulièrement, Marine Le Pen, le premier ministre Hongrois et les leaders nationalistes européens se rencontrent à Madrid, pourtant capitale d’un pays gouverné par la gauche. Décrypte d’un non-sens politique.
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L’Espagne est le dernier grand pays européen à posséder un gouvernement clairement à gauche. Le socialiste Pedro Sánchez est à la tête de la nation depuis 2018, en coalition avec Sumar, un parti d’extrême-gauche. Pourtant, la capitale madrilène est régulièrement l’épicentre de retrouvailles de la droite radicale européenne. Pas plus tard que le week-end du 7 février, le leader nationaliste de Vox recevait en grande pompe Marine Le Pen, le très droitier premier ministre Hongrois, le numéro deux du gouvernement ultraconservateur italien Matteo Salvini, ainsi que le chef de l’extrême-droite autrichienne et vainqueur des dernières élections, Geert Wilders.
Ce n’est pas la première fois que la droite radicale organise à Madrid un grand raout. En mai dernier, c’était la même chose. Pourtant, l’ambiance politique locale n’est pas forcément chaleureuse pour les droites conservatrices. Sous Pedro Sánchez, l’Espagne a été pionnière dans le droit des femmes ou dans les politiques sociétales telles que le changement de genre. Alors que les nationalistes sont au pouvoir en Italie, en bonne place en Suède et Autriche, ou effectuent encore des percées en France et en Allemagne, comment Madrid est devenue la Mecque d’une certaine forme de pensée réactionnaire ?
Une puissante nostalgie du franquisme
Dans l’analyse des discours du 7 février, qui avaient pour objectif initial de célébrer de manière euphorique la victoire de Donald Trump, on a renoué avec le poids de l’histoire. Ce, en Espagne, le seul pays à avoir connu une dictature moderne d’extrême droite pendant 40 ans avec le Général Franco, mort dans son lit en 1975.
Le premier ministre Hongrois, à Madrid, ne prend pas de pincettes et remercie, devant les 2000 personnes de l’auditoire, « le rôle de l’Espagne franquiste, qui en 1956, a permis d’appuyer la révolution bulgare et débarrasser le pays des communistes ».
De son côté, l’Autrichien Wilders est remonté encore plus loin dans le temps en félicitant l’Espagne d’avoir été le premier pays européen à avoir organisé la Reconquista au XIe siècle. Cette expulsion massive des musulmans sur le sol européen est un exemple à suivre pour l’époque actuelle, a expliqué le chef de la droite nationaliste autrichienne devant un public applaudissant à tout rompre.
Enfin, pour Marine Le Pen, Madrid est une ville au caractère familial. Sa nièce, Marion Maréchal, y a ouvert l’ISSEP, son école de formation des cadres politiques. Grâce à une bonne entente avec les cadres locaux de Vox, Marion Maréchal a affirmé en 2020 vouloir créer les « élites de la droite de demain ». De fait, Madrid et Lyon sont les seules métropoles en Europe à héberger des campus de cette école.
Photo : Lyon 1re
Sans effectuer de percées telles qu’en France, en Italie, en Hongrie ou en Autriche, Vox s’est confortablement installé au centre du jeu politique espagnol. La particularité de ce mouvement réside dans le fait qu’il est né d’une fracture au sein de la droite classique, le Partido Popular. Jugeant Mariano Rajoy, le premier ministre conservateur de l’époque, trop centriste, l’ancien cadre du PP Santiago Abascal a claqué la porte en 2011 pour monter son propre mouvement, ouvertement nostalgique du franquisme.
Le lien n’est pas totalement rompu entre les deux droites, puisqu’en 2023, Vox et le PP ont signé des accords pour diriger, entre autres, les régions de Valence et des Baléares. Mais des dissensions en matière budgétaires ont conduit à la rupture. Au vu des sondages pourtant, aussi bien Vox que le Partido Popular ont conscience que pour dégager une majorité parlementaire ils devront s’entendre s’ils veulent diriger le pays, après les élections législatives qui auront probablement lieu l’an prochain.
