Coloc à vie : ces couples barcelonais qui ne peuvent pas s’en passer (ou s’en sortir)

À Barcelone, n’habite pas seul (ou à deux) qui veut. Plus qu’une tradition, la colocation est une obligation imposée par des loyers indécents. Quand on est en couple, comment vivre cette harmonie parfois forcée ? Témoignages de Français plus ou moins ravis de la situation.

Photo : Clémentine Laurent

« Si on quitte la coloc, je ne sais pas si on restera ensemble », nous confie Pauline, 35 ans, en couple avec Johnny et en coloc depuis le début de leur relation, il y a 3 ans. Depuis son emménagement dans cet appartement de 50m2 à Poblesec, elle sous-loue la deuxième chambre, « pour les amis uniquement ». Amis ou pas amis, Pauline et Johnny partagent donc leur quotidien avec d’autres personnes. Et ils ne sont pas les seuls dans ce cas : Barcelone représente près de 9% des appartements en colocation en Espagne, selon le site immobilier Idealista.

Johnny a du mal à s’y faire mais pour Pauline, masseuse, c’est le rêve : « ça fait 15 ans que je suis en coloc, je n’ai jamais vécu seule. J’aime beaucoup ce côté fratrie et je ne suis pas très fan de la routine du couple. Mon mec aimerait vraiment vivre à deux, mais moi ça me fait flipper et je trouve que la coloc, c’est un bon équilibre ».  

Bien sûr, au-delà de l’aspect colonie de vacances, Pauline admet que partager le loyer fait du bien au portefeuille, même si elle a de la chance : son loyer n’est qu’à 800 euros par mois, sans les charges. Une licorne dans une ville où les locations touristiques et les logements temporaires poussent les loyers à des sommets. Aujourd’hui à Barcelone, le mètre carré à la location coûte environ 23 euros.

C’est d’ailleurs ce qui a conduit Zoé et Matéo, un couple franco-mexicain, à s’installer en colocation il y a une semaine. Zoé, Barcelonaise d’adoption depuis 1 an, ne décolère pas : « c’est impossible de vivre dans cette ville quand tu n’es pas un touriste », fulmine cette professeure de yoga. En Espagne l’année dernière, 55% des personnes vivant en colocation avaient choisi cette option par défaut devant l’impossibilité de s’offrir un loyer seul.

l'auberge espagnole barcelone

Photo : L’Auberge espagnole, Klapisch

Pendant 11 mois, les tourtereaux logeaient dans le Raval, dans un appartement propret à 1200 euros par mois. Comme beaucoup d’autres, il s’agissait d’un appartement en location temporaire, et malgré de nombreuses négociations, les deux amoureux ont dû se résoudre à le quitter en janvier 2025. Après des mois de recherches sans rien trouver et après avoir envisagé de reprendre une location temporaire, ils se sont rendus à l’évidence : il fallait prendre une coloc.

« Parfois j’ai l’impression qu’on devient colocs »

« Pour moi la chambre en coloc c’était le dernier recours, mais à une semaine de la sortie, on n’avait plus le choix », raconte la jeune femme de 21 ans. Ils ont finalement trouvé une chambre à Sant Antoni dans un appartement pour 750 euros par mois, dans lequel vit déjà un couple. 

Côté organisation, il a fallu ranger toute leur vie à deux dans une chambre, un placard et une petite étagère dans la salle de bains. Et côté intimité, forcément, ce n’est pas la même chose, continue Zoé : « évidemment pour les relations sexuelles, il faut faire attention à ce qu’ils soient partis. Il faut s’adapter ».

L’intimité est également un sujet houleux chez Pauline : « on n’a pas beaucoup d’intimité, on ne peut pas faire de trucs spontanés comme des dîners et comme nos colocs sont des amis on fait tout tous ensemble. Parfois j’ai l’impression que lui et moi devenons colocs ». Face à ce problème, une seule solution : raviver la flamme. Depuis une discussion sur le sujet qui a failli les séparer, ils s’organisent une fois par mois un moment à deux.

L’idéal serait, dit cette grande indépendante, d’avoir chacun son appartement, mais impossible pour le moment au vu de leurs finances. En attendant, elle profite de cette cohabitation choisie, qu’elle aimerait ne jamais voir se finir.

À l’inverse, Zoé n’attend qu’une chose :  quitter cet appartement partagé et retrouver son cocon. Quitte, confie-t-elle, à déménager. À Barcelone, pour elle, l’amour se paie trop cher.

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