Le revoilà. Ce lundi 20 janvier est une date historique pour le monde géopolitique. Donald Trump, accompagné d’un gouvernement ultraconservateur et par Elon Musk, prend le pouvoir aux États-Unis. Quelles conséquences pour l’Espagne, un pays lié depuis toujours avec l’oncle Sam ?
Sans gêne, ni complexe, le Premier ministre Pedro Sánchez se voit comme l’un des premiers opposants au chef de la Première puissance mondiale. Le dernier socialiste dirigeant une puissance européenne contre le représentant mondial de droite dure. « L’internationale d’extrême droite menée par l’homme le plus riche de la planète attaque ouvertement nos institutions » s’est-il exclamé au début du mois après qu’Elon Musk a lancé une pique sur X contre la politique migratoire en Catalogne.
Première traduction de cette tension : le Premier ministre espagnol n’est pas invité à la cérémonie d’investiture de Trump. C’est Santiago Abascal, leader de Vox, mouvement d’extrême droite, qui représentera officiellement l’Espagne à Washington. Tout comme en France, où Emmanuel Macron n’est pas convié, tandis qu’Eric Zemmour à son siège réservé en tant que représentant français. Dans la liste des happy few, on repère aussi la présence de Javier Milei, président d’extrême droite de l’Argentine et ennemi intime de Pedro Sánchez.
Seconde réplique du séisme Trump, des angoisses traversent certains pans économiques et industriels espagnols.
L’angoisse des agriculteurs espagnols
Le secteur agroalimentaire européen a souffert des conséquences des politiques tarifaires initiées par Donald Trump lors de son précédent mandat, notamment dans le cadre du conflit commercial entre Airbus et Boeing.
Entre 2019 et juin 2021, ce sont 113 catégories de produits espagnols qui ont été frappées par des taxes de 25 %, touchant durement des secteurs comme l’huile d’olive, le fromage, la viande de porc, les boissons spiritueuses ou encore les jus de fruits. L’Association espagnole de l’industrie et du commerce exportateur d’huile d’olive a estimé à 1,2 milliard d’euros les pertes dues à l’impossibilité d’exporter 80 000 tonnes de marchandises. De son côté, la Fédération espagnole du vin (FEV) a déploré une chute des ventes de 90 % vers le marché nord-américain. C’est sans compter les taxes imposées sur les olives noires d’Espagne depuis 2018, à la suite d’une plainte pour concurrence déloyale déposée par deux entreprises californiennes.
Bien que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ait donné raison à l’Europe, les États-Unis ont maintenu ces mesures, causant des pertes estimées à 260 millions d’euros pour les entreprises espagnoles.
La brouille autour de l’aéronautique avait poussé l’administration américaine à saisir l’OMC pour dénoncer les subventions européennes à Airbus constituaient une distorsion de concurrence pour les USA. Finalement, l’OMC a autorisé les États-Unis à imposer des droits de douane de 6 milliards d’euros annuels. En réponse, l’Union européenne avait répliqué avec des taxes sur des produits américains pour un montant de 3,4 milliards d’euros.
Dans ce contexte, les inquiétudes du secteur agroalimentaire restent vives. Le responsable syndicaliste, José María Castilla, souligne que « le nouveau président américain envisage d’imposer des droits de douane supplémentaires de 10 % sur tous les produits agricoles européens si les subventions sont perçues comme faussant le marché ».
L’industrie pharmaceutique catalane sous pression
L’augmentation du protectionnisme, exacerbé par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, ainsi que les politiques tarifaires de Donald Trump, suscitent de vives préoccupations dans l’industrie chimique et pharmaceutique. Ces mesures risquent d’aggraver les coûts pour les entreprises exportatrices, affectant leur compétitivité et augmentant les risques liés à la dépendance énergétique. La Catalogne abrite 50 % de l’industrie pharmaceutique espagnole, l’un des principaux pôles européens en la matière.
Déjà aujourd’hui, les protections tarifaires, appliquées par les États-Unis, pèsent lourdement sur les entreprises européennes. Si sous l’administration Trump elles s’intensifient, il faudra craindre une limitation des exportations espagnoles et une réduction de leur compétitivité sur le marché stratégique de l’Amérique du Nord.
Les énergies renouvelables espagnoles jouent gros
Lors du premier mandat de Donald Trump, le développement des énergies renouvelables aux États-Unis a pris un retard considérable. Sous la présidence de Joe Biden, un effort massif d’investissements est en cours pour rattraper le temps perdu, mais les défis sont nombreux. Un répit, qui pourrait être de courte durée pour les entreprises espagnoles, exportatrices d’équipements pour les énergies renouvelables.
L’Espagne, grâce à des entreprises pétrolières comme Repsol, vise à renforcer ses positions, en particulier dans les secteurs du gaz et des énergies vertes, pour répondre à la demande croissante outre-Atlantique. Selon un rapport récent, les investissements américains dans le secteur des énergies renouvelables atteindront 800 milliards de dollars d’ici à 2030. L’Espagne, à travers ses multinationales, espère capter une part significative de ce marché, tout en anticipant les défis posés par les politiques protectionnistes de Washington. En 2024, les biens d’équipement et les produits chimiques représentent les principales exportations espagnoles vers les États-Unis, suivis de près par les aliments et les matières premières. Le marché américain demeure crucial pour l’économie espagnole, malgré les incertitudes liées aux tarifs douaniers et aux politiques commerciales.
L’Espagne, les États-Unis : une relation traversée par l’Histoire
Le couple hispano-américain s’est formé durant la dictature du général Franco. En pleine guerre froide contre l’ex-URSS, Washington voyait dans la figure du dictateur espagnol un solide rempart contre le communisme qui, selon les stratèges américains, pouvait rapidement envahir l’Europe. Cette alliance a permis en 1955 à l’Espagne, pourtant isolée sur la scène internationale, de rentrer à l’ONU. Le président américain Eisenhower fut un des rares responsables politiques issus de pays démocrates à visiter officiellement l’Espagne. Cette relation s’est traduite dès 1953 par l’installation de bases militaires américaines sur le territoire espagnol. Des bases qui pour la plupart sont encore actives de nos jours.