Trouver du fer pour survivre : la vie de ces immigrés à Barcelone

Grand format sur Equinox. Les chatarreros, ce sont ces hommes qui poussent des caddies dans les rues de Barcelone. Qui sont-ils et quel est leur travail ? Nous somme partis à leur rencontre.

Ils s’appellent Boubakar, Moussa, Belsem. On ne les connait pas, mais on les voit arpenter les rues de Barcelone avec leurs caddies, usés par des centaines de kilomètres parcourus. Ils sont à la recherche du moindre bout de ferraille, trouvé dans une poubelle ou dans les restes d’un chantier terminé.

Ces hommes, la plupart du temps originaires d’Afrique Noire, sans papiers, revendent ensuite leurs matériaux pour une poignée d’euros. Des carcasses de vélo aux vis de poignées de portes, les chercheurs de fer ont pour unique mission d’amasser un maximum d’éléments en un temps record.

Leur but est de ne pas se faire expulser du pays dans les 24 prochains mois. Une fois cette période de deux ans passés sur le territoire espagnol, la loi décrète que ces immigrés clandestins deviennent éligibles pour demander des papiers. En attendant, pour survivre, ils poussent leurs caddies. On les appelle les « chatarreros », les chercheurs de ferraille.

Rencontré sur l’avenue Diagonal de Barcelone, nous avons fait un bout de chemin aux côtés de Belsem, travailleur acharné depuis 14 mois, qui a bien voulu nous partager son histoire.

Vous pouvez nous raconter votre journée ?

Je me lève à cinq heures du matin, je prends un petit déjeuner, je fais ma prière parce que je suis musulman. Ensuite, je prends un train pendant une heure ou deux parce que j’habite en banlieue et une fois arrivé à Barcelone, je parcours la rue du matin au soir pour trouver des matériaux dans les poubelles ou dans la rue. Le soir, je rentre à la maison en reprenant mon train.

Vous êtes originaire du Sénégal, vous n’avez pas de papiers. Vous êtes venu seul ? 

Oui, ma famille, ma femme, mes enfants sont restés au Sénégal. C’est très dur pour eux. Je veux avoir des papiers pour les revoir.

Arrivez-vous à envoyer de l’argent à votre famille pour l’aider ?

Non, je n’en ai pas assez.

Combien gagnez-vous par jour ?

Je vais à Poblenou et je vends ce que je trouve dans un atelier. Ils paient entre 2 et  22 centimes le kilo. Ça dépend des matériaux que j’ai. Le fer vaut 22 centimes. Parfois je gagne 6,50 euros par jour, ça dépend. Parfois je peux gagner plus. 10 euros, 15 euros, 30 euros, c’est le maximum.  

AFRICAINS TRAVAILLE A BARCELONE

Le caddie de Belsem pratiquement vide après une matinée de travail

Au Sénégal, vous travailliez dans quel secteur ?

Au Sénégal, moi, j’étaismarin. Je naviguais dans les bateaux. Je suis un grand marin. À Barcelone, on me dit que pour embarquer dans les bateaux et travailler, il faut avoir des papiers. Mais je n’en ai pas.

Pourquoi êtes-vous venu ici si vous étiez marin au Sénégal ?

Au Sénégal, il y avait beaucoup de problèmes. Et puis, on ne peut pas travailler dans tous les bateaux. Si tu n’as pas un parent qui est dans le port, on ne te prend pas. Alors comme je suis marin, j’ai traversé les mers pendant huit jours pour arriver à Barcelone.

CHATARAS CADDIE BARCELONE

Quelles sont vos conditions de logement ?

On est sept personnes dans le même appartement qu’une banque nous a donné. Là-bas c’est chacun pour soi et Dieu pour tous. Il n’y a pas d’eau dans l’appart. On va chercher de l’eau là où en trouve. Tu prends de l’eau pour pouvoir te laver et laver tes habits.

Comment voyez-vous votre avenir à Barcelone ?

Avoir des papiers, devenir marin, travailler, avoir de quoi nourrir ma famille qui est restée au pays. Le fait que ma femme et mon fils sont là-bas, c’est ça qui m’a motivé à venir ici. Pour avoir un bon travail, pour nourrir ma famille. Avec des papiers, je veux avoir une maison à moi. Tu vois, avoir une maison, avoir une famille, loger ma famille, c’est ça, mon ambition.

C’est difficile, mais il faut toujours croire en soi-même. C’est Dieu qui donne tout.

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