Le très droitier ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau veut contrôler la frontière France-Espagne qui est jugée comme un point névralgique du passage des migrants. La gauche au pouvoir en Espagne reste sceptique.
Il a promis de durcir la politique migratoire en France, et la gauche au pouvoir en Espagne s’en émeut. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, soutenu par le Premier ministre François Bayrou, veut expulser en masse les clandestins. Son prédécesseur Gérald Darmanin avait initié un programme en 2021 visant à reconduire les personnes sans papiers à la frontière italienne. Bruno Retailleau veut étendre la mesure à la frontière franco-espagnole, que ce soit au Perthus en Catalogne ou au Pays basque, deux points névralgiques pour le transit des migrants.
Depuis les attentats de 2015, la France suspend ponctuellement l’application des accords de libre circulation de Schengen pour des raisons de sécurité nationale. Entre mai et octobre 2024, durant les Jeux olympiques, la frontière entre la France et l’Espagne a été fermée temporairement. Pour cette nouvelle année, le ministre Retailleau exige désormais des résultats chiffrés de la part des préfectures et prévoit des audits bimensuels. Dans une circulaire envoyée aux préfets, le chef de la Place Beauvau ordonne d’ « amplifier » et « systématiser » les mesures d’éloignement visant les étrangers susceptibles de présenter des menaces à l’ordre public en France. En octobre dernier, Paris avait déjà averti l’Espagne que les contrôles deviendraient « plus exhaustifs » dans les zones critiques.
Un impact direct pour l’Espagne
Le ministre socialiste espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, ne peut qu’acter la décision de la France, la jugeant prévisible au vu du profil politique de Retailleau, sans faire preuve d’enthousiasme. L’Espagne, en 2025, est le dernier grand pays européen à être dirigé par une coalition gauche et extrême gauche. Le Premier ministre Pedro Sánchez s’est toujours montré favorable à l’accueil d’immigrés clandestins, quitte à ce que le pays devienne une passoire et inquiète les autres membres de l’Union européenne. En plus de la France, l’Allemagne et l’Italie mettent en place un durcissement du contrôle des frontières.
Or, en Espagne, la situation est devenue incontrôlable dans les Iles Canaries. En 2024, selon le dernier bilan du ministère de l’Intérieur espagnol, 17 117 personnes sont arrivées dans l’archipel, soit 259 % de plus qu’en 2023. Majoritairement des citoyens issus du Sénégal et du Maghreb.
Déjà submergées par un flot migratoire incontrôlé, les autorités espagnoles s’inquiètent d’un arrivage massif de personnes expulsées de l’Hexagone. En 2021, la France avait déjà renvoyé vers l’Espagne 15 757 migrants en seulement cinq mois, souvent sans respecter les accords bilatéraux. Un chiffre que veut largement dépasser le ministre Retailleau et pourrait bien pousser l’Espagne dans les cordes : comment continuer à ouvrir les portes à autant de migrants tout en maintenant un système d’accueil à flot ?
L’Espagne veut une immigration de travail
Le mardi 19 novembre dernier, le Conseil des ministres en Espagne adoptait une réforme réglementaire pour faciliter la régularisation de dizaines de milliers de sans-papiers. Le but est de booster l’économie du pays, selon Pedro Sánchez. « L’Espagne doit choisir entre être un pays ouvert et prospère ou être un pays fermé et pauvre. Et nous avons choisi la première option », s’est vanté le Premier ministre en décembre dernier. « L’objectif est de renforcer et d’élargir les voies d’accès à la régularisation pour les migrants qui se trouvent en Espagne, afin qu’ils puissent mener une vie pleine en tant que citoyens : avoir des droits et des devoirs », défend la ministre de l’Inclusion et des Migrations Elma Saiz.
Selon des chiffres cités par son ministère, quelques 210 000 migrants étaient enregistrés fin 2023 dans les différentes démarches menant à la naturalisation, soit 85 000 personnes de plus qu’en 2022, selon un calcul de l’AFP.