Chaque année, c’est la même histoire des deux côtés des Pyrénées. Décembre et ses fêtes nous poussent à lever le verre de cava ou la coupe de champagne de trop.
Alors en janvier, dans un élan de repentance collective, nombreux sont ceux qui tentent la carte de la sobriété. Les Anglais appellent ça le Dry January. À Barcelone, on l’appelle « un défi complètement absurde. »
Barcelone, capitale de la tentation liquide
S’abstenir de boire à Barcelone, c’est un peu comme être gluten free à Paris ou boycotter les gondoles à Venise. Ici tout est prétexte à l’apéro. Les doux rayons du soleil hivernal, les terrasses qui débordent de vie même en hiver et les amis, ces vils tentateurs, proposent un petit vermouth le dimanche à 14h00.
Si le concept de sobrelier et les options sans alcool sont de plus en plus répandues en France, à Barcelone on peine à proposer des options saines et sans alcool. La Vichy Catalan coute le même prix qu’un galopin, et à part le Coca-Cola et la bière non alcoolisée, les options se font rares.
Vous rêviez d’un bon jus frais ? Vous vous retrouvez avec une vieille bouteille de Minute Maid chaude dont la pellicule de poussière donne une idée de sa popularité.
Dry January VS Quotidien
Le vrai problème c’est que l’alcool est partout. Sur les ramblas, des sangrias géantes font de l’œil aux passants, tandis que vous pourriez jurer que le barman a tiqué en prenant votre commande : une modeste bouteille d’eau qui vous fait passer pour une âme égarée.
Sans compter les calçotades. Ces dégustations d’oignon célèbre en Catalogne. Les doigts pleins de sauce romesco, votre voisin vous tend un porró rempli de vin rouge. C’est une tradition ! Refuser serait une insulte. Mais vous tenez bon et murmurez un un petit « non merci » timide, en sachant pertinemment que le porró vous reviendra comme un boomerang.
Le regards des autres
Ceux qui cherchent du réconfort auprès de leurs proches déchanteront vite devant les regards médusés que suscite l’annonce d’un arrêt temporel de l’alcool. En général, deux réactions s’enchaînent : de la perplexité – un peu comme si vous annonciez que vous rentrez dans les ordres – suivie d’une vague d’inquiétude. Seriez-vous malade, ou pire : enceinte ? Le concept de sobriété n’est tout simplement pas intégré dans la culture locale. Ici, on prône l’équilibre toute l’année : un vermouth le matin, une sieste l’après-midi. Pourquoi changer une équipe qui gagne ?
L’inexistance des alternatives non alcoolisées…
Le kombucha ? Introuvable à Barcelone, sauf dans une boutique vegan où il coûte le prix d’un dîner gastronomique pour deux. Le mocktail ? Oui, bien sûr. Mais payer 8 euros pour un mélange de jus d’ananas et de menthe n’a rien de bien gratifiant. Et l’eau ? Elle se paie au prix fort, ici on ne boit pas l’eau du robinet. Un petit café alors ? Vous êtes sur le point de découvrir que l’Espagne est le pays du robusta. Avis aux adeptes d’arabica qui n’en trouvent ni au bar, ni au supermarché. Comme si le secteur de la grande distribution complotait pour leur faire boire du mauvais café. Vous pourrez à la rigueur vous rabattre sur un épais chocolat chaud. Mais au bout de deux tasses, dans lesquels vous trempez des churros, vous sentez bien que vous êtes à deux doigts de développer un diabète de type 2.
La morale de l’histoire
Faire un Dry January à Barcelone, c’est comme vouloir escalader le Tibidabo en tongs. Techniquement faisable, mais hautement improbable. Et puis, pourquoi s’infliger ça ? À Barcelone, on profite des plaisirs simples de la vie. Un petit verre de cava ici, un vermouth là. Et si le secret, résidait simplement dans la modération ? Pour tous ceux et celles qui le tentent quand même : bonne chance et à votre santé !