Chaque année, c’est la même histoire, les expats effectuent une transhumance hexagonale souvent pénible pour se confronter à l’ingratitude de leur famille.
Loin d’être toujours reconnaissante du voyage entrepris, la famille de l’expat l’accueille à chacun de ses retours avec ces sempiternelles petites phrases piquantes qui lui donnent envie de faire ses valises pour filer à l’anglaise, ou, comme disent les espagnols : à la française. Petit florilège en vue des fêtes de fin d’année.
« Quand est-ce que tu nous ramènes un/une Espagnol(e) ? »
Primo, ne vous avisez jamais de dire à un Catalan qu’il est Espagnol : il risquerait de très mal le prendre.
Deuzio, même si l’amour n’a pas de frontières, pourquoi supposer automatiquement qu’un expat finira forcément par tomber sous le charme d’un autochtone ? Spoiler : tout le monde ne termine pas en couple mixte. Parfois, l’expat ramène un autre expat, voire personne du tout.
Si un invité arrive seul, c’est pour une bonne raison. Inutile de remuer le couteau dans la plaie.
Autre possibilité : il n’a tout simplement pas envie d’infliger sa famille à son compagnon ou sa compagne. Pensez-y la prochaine fois qu’une remarque de ce type vous chatouille la langue.
« Ah Barcelone, détente ! Ça va, tu profites de la plage ? »
C’est certain : vivre à proximité de la mer et de la montagne, dans une ville vibrante aux milles et unes offres culturelles, a de quoi faire rêver. Cependant, entre les jobs précaires aux 40 heures hebdomadaires payées au lance-pierre et la flambée des loyers, Barcelone est loin d’être une panacée.
Ajoutez à cela les galères administratives et la distance avec ses proches, et vous comprendrez que Barcelone n’est pas une carte postale permanente et qu’un expatrié doit souvent lutter pour trouver sa place dans une ville où personne ne l’a attendu.
« Tu as appris à danser le flamenco ? »
Le flamenco, c’est en Andalousie. À Barcelone, c’est la rumba catalane et les sardanes qui donnent le tempo. C’est un peu comme si on vous demandait si vous aimez les fest-noz alors que vous avez grandi à Metz.
De plus, vous savez pertinemment que votre expat favori est un piètre danseur. Ce n’est pas parce qu’il a déménagé de l’autre côté des Pyrénées qu’il s’est découvert une passion pour les castagnettes… Un peu de bon sens que diable !
« ¿Saludo, como esta la cerveza? »
Ce n’est pas parce que vous avez fait espagnol LV2 au lycée qu’il faut absolument étaler votre (in)culture. Pour un expat, revenir en France c’est aussi goûter le plaisir de retrouver sa langue maternelle. Plutôt que de massacrer son idiome d’adoption, pourquoi ne pas le mettre à jour sur les dernières expressions en vogue dans l’Hexagone ?
Les expats parlent parfois un français qui date de l’année où ils sont partis. Une petite mise à jour linguistique sera donc plus indiquée (et moins gênante) qu’un pseudo-accent espagnol improvisé.
« Dis quand reviendras-tu ? (Pour de vrai) »
Mettez-vous dans le crâne que vous n’êtes pas en face d’un hologramme, mais bien d’une personne en chair et en os, en face de vous qui plus est… Qui est revenue, en partie pour vous voir. Mesurez votre chance. Dans son marathon hexagonal, il ne vous a pas oublié.
En lui posant cette question, cela sous-entend qu’il est en train de fuir quelque chose, alors qu’il construit simplement une vie ailleurs… Voire pire, que les moments que vous passez ensemble ne vous suffisent pas.
L’expatriation n’est pas une fuite, mais un choix de vie, parfois temporaire, parfois permanent. Alors, mieux vaut partager ensemble la joie fugace de se retrouver.