Contrats abusifs, arnaques : les agences immobilières dans le viseur du gouvernement espagnol

Cyane Morel

Le gouvernement espagnol commence à se pencher sur les abus des agences immobilières. Plusieurs procédures ont été lancées. 

Photos : Cyane Morel / Equinox

Enfin. C’est ce que beaucoup de particuliers et professionnels se sont exclamés à l’annonce de l’ouverture de plusieurs procédures sur les pratiques illégales des agences immobilières. « Cela fait des mois que l’on remonte les abus et on a l’impression que rien n’est fait », confie Audrey Marin-Laflèche, fondatrice d’une agence d’aide à l’installation pour expatriés à Barcelone. Le ministère de la Consommation a ouvert une enquête il y a un mois pour « pratiques frauduleuses dans la gestion de baux locatifs » de plusieurs agences immobilières. Et hier, il annonçait une autre enquête pour pratiques trompeuses dans la gestion d’appartements touristiques : faux commentaires, fausses descriptions ou même exploitation sans licence touristique.

Après des mois d’un marché immobilier devenu impitoyable pour les locataires, l’exécutif se penche donc, enfin, sur les abus quotidiens des agences. Et la liste est aussi longue que surprenante, notamment pour détourner la dernière loi logement. Le nouveau texte régule les baux destinés aux résidents, d’une durée de 5 ans, en fixant un plafonnement des loyers et en imposant le paiement des frais d’agence aux propriétaires, et non plus aux locataires. Il n’en fallait pas plus pour qu’agences et propriétaires rivalisent d’imagination pour contourner la loi. C’est ainsi que les locations de 5 ans se font de plus en plus rares, remplacées par des contrats de courte durée, non soumis à la nouvelle réglementation.

Toutes les combines sont bonnes

Bien que réservés normalement aux résidents temporaires (étudiants, digital nomads, personnes en traitement médical à Barcelone), ces baux sont toutefois acceptés par de nombreux résidents, qui n’ont guère le choix. Les prix ne sont pas régulés, atteignant souvent des sommets, et pire, de nombreuses agences proposent de renouveler le contrat chaque année… moyennant le paiement des frais d’agence à chaque passage. « C’est la machine à cash, s’indigne Audrey Marin-Laflèche, c’est tout bénéf pour tout le monde, l’agence ne se fait plus payer tous les 5 ans, mais tous les ans, et le propriétaire ne pais pas les frais ».

Loyer Barcelone

Ceux qui proposent encore des baux de cinq ans ne sont pas moins imaginatifs pour contourner le plafonnement des prix. La combine est bien rôdée. Les locataires acceptent le prix proposé, qui est en réalité au-dessus de l’index sans qu’ils n’en soient toujours conscients. Et pour justifier l’écart, sans être risque d’être inquiété par la justice, « la quittance comporte le prix légal du loyer, puis des charges qui normalement incombent au propriétaire comme les frais de copropriété ou la taxe des ordures ménagères, et parfois même une place de parking à laquelle ils n’ont pas accès », poursuit notre experte.

D’autres encore font signer au locataire une clause selon laquelle il accepte un loyer au-dessus de l’index. Ou gonflent la superficie réelle du bien, puisque le plafonnement ne s’applique qu’aux logements de moins de 150 mètres carrés. Face à ces abus, le locataire peut toujours se plaindre ou même entreprendre des poursuites, mais dans un marché sous tension, très peu s’y risquent, s’estimant chanceux de pouvoir décrocher un appartement. Seuls les pouvoirs publics semblent réellement capables de mettre fin à ces pratiques, à condition d’oser affronter les puissants lobbies immobiliers espagnols. Locataires, associations et professionnels retiennent leur souffle.

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