S’expatrier, c’est comme tomber amoureux. D’abord on est raide dingue de son pays d’adoption, de toutes ses aspérités si séduisantes et de ses particularités exotiques. L’Espagne ne fait bien sûr pas exception à la règle.
Puis, les défis liés à la vie quotidienne font surface : des galères administratives à l’apprentissage de la langue. Enfin, si on décide de rester, on finit par s’adapter à la vie sur place tout en ne pouvant s’empêcher, de temps en temps, de lever les yeux au ciel devant certaines habitudes qui semblent ancrées dans l’ADN local.
Marcher au ralenti
L’Espagne est le pays du paseo, ce sacro-saint rituel, où, entre 19h00 et 21h00, sur leur 31, les familles se retrouvent pour se promener dans les rues ou en bord de mer. Mais ce n’est sûrement pas le pays de la marche rapide. Ici, on flâne, on s’arrête pour discuter au milieu du trottoir voire pire, on se déplace au ralenti en formation compact, pour ne laisser aucun espoir de passage au Français pressé qui enrage intérieurement.
Et attention, il ne s’agit pas que de touristes ou de retraités en goguette. Il semblerait que le monde entier complote pour lui faire rater son train. Tous ces badauds au flegme olympiens semblent évoluer dans une réalité parallèle où le temps est devenu un concept malléable. Dans un éclair de lucidité, il se surprend à penser que « rien ne sert de courir il faut partir à point. »
Ne pas tenir sa droite dans le métro
Pour l’usager du métropolitain habitué au chaos organisé des escalators parisiens (« droite pour se reposer, gauche pour doubler »), le métro espagnol peut s’avérer un vrai cauchemar. Les voyageurs, ne semble par être familiers de ce que sous-entend « tenir sa droite », ne laissant d’autres options aux transpyrénéens que de les insulter copieusement. Ces malotrus vont même jusqu’à rester plantés devant les portes du métro au moment où elles s’ouvrent (préférablement aux heures de pointe), stoïquement dressés contre la marée humaine qui s’engouffre ou se répand sur les quais bondés. Sans parler des influenceurs qui se filment à l’entrée de la sortie de la station Sagrada Familia et ont provoqué l’arrêt des escalators.
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Utiliser « mañana » comme joker universel
Si en France, on évite de remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même, le lendemain, en Espagne, c’est le contraire. Une modification pressante à effectuer avant d’envoyer un document ? « Tranquilo, mañana. » Vous attendez une facture, une réparation ou même une simple réponse ? « Sí, sí… mañana. » Que ce soit au travail, dans les démarches administratives ou même dans son cercle d’amis, mañana, est une vraie philosophie.
Et si remettre à demain, signifiait finalement profiter d’aujourd’hui ?
Créer des groupes WhatsApp…
On pourrait penser que se retrouver à la plage ne nécessite pas 25 textos, 12 vocaux et 10 appels. Eh bien, en Espagne si. Le rendez-vous le plus élémentaire peut ainsi se transformer un enchaînement de communications où l’on apprend dans la foulée que quelqu’un se marie, qu’un autre vient d’adopter un chien et qu’en plus : c’est l’anniversaire de sa mère ! Après avoir mis la conversation en sourdine, le Français se retrouve seul à la plage et, quand il consulte ses messages, se rend compte que l’évènement a été reporté… mañana.
Et envoyer des messages vocaux à tout bout de champs
Que ce soit pour organiser une soirée, demander une information ou juste discuter, le message vocal est une véritable institution ici. Ces enregistrements font rarement moins de 2 minutes et 30 secondes. Au menu : digressions interminables, bruits de bouche et autres réjouissances. Habitué à écrire des textos plus concis, le Français vit un véritable supplice lorsqu’il doit décortiquer ces podcasts improvisés pour en extraire la seule information importante : « On se retrouve à 21h devant le bistrot. » Il commence par râler (« Personne ne sait écrire dans ce pays ou quoi ?! ») avant, bien sûr, de se plier à la règle et de se surprendre, un jour, à envoyer lui-même un vocal de 3 minutes en pleine rue.
Parler fort (très fort)
Que ce soit au restaurant, dans la rue ou au téléphone, dans un train bondé, les Espagnols ont un volume sonore impressionnant qui permet notamment de les repérer de très loin à l’étranger. Plus réservé, le Français s’étonnera d’abord que son coloc lui hurle dessus alors qu’il est juste à côté, et prendra le pli, jusqu’à son retour en France, quand ses parents mortifiés lui demanderont d’éviter de crier et de gesticuler à table.