Le mois de décembre marque en Espagne un long tunnel de jours fériés et vacances traditionnelles. Ces arrêts répétés de la production ont-ils des conséquences sur l’économie ? Eléments de réponse.
« Le mois de décembre en Espagne, c’est un peu comme un arrêt progressif du travail, une fin de l’année en douceur », confie Laurent, cadre dirigeant français qui vit à Barcelone depuis plus de 20 ans. Les réjouissances commencent avec le « pont de décembre ou « Puente de la Purísima », appelé ainsi en raison de la fête de l’Immaculée Conception le 8 décembre, jour férié. Le 6 décembre est également férié, formant ainsi le fameux pont annuel. Il célèbre l’approbation par référendum de la Constitution espagnole en 1978. Viennent ensuite les 25 décembre, 26 décembre (Saint Estève, férié en Catalogne), 1er janvier et 6 janvier (Epiphanie). Autant de jours fériés qui se conjuguent aux fêtes de fin d’année et congés payés, éternisant les vacances bien plus qu’en France. Résultat : la productivité des entreprises en prend un sacré coup et les patrons tirent chaque année la sonnette d’alarme.
« Nous allons nous attaquer au coût des week-ends prolongés pour notre économie, en déplaçant les jours fériés au lundi le plus proche », avait proclamé le Premier ministre Mariano Rajoy en 2011, en pleine crise économique. Mais la réforme n’avait finalement jamais vu le jour malgré un accord entre syndicats et organisations patronales.
Il faut dire que l’Espagne est particulièrement attachée à ses 14 jours fériés annuels. A tel point que si l’un d’eux tombe un dimanche, les autorités en choisissent un autre dans l’année pour que le nombre de 14 soit toujours respecté. Le seul changement obtenu par Rajoy en 2011 avait justement été de ne pas remplacer un jour férié qui tombait un dimanche… mais qui est vite revenu l’année suivante.
Des salariés heureux
Le calcul du coût financier des ponts et aqueducs espagnols provoqués par les nombreux jours fériés reste toutefois bien hasardeux tant il est complexe. Le syndicat des patrons CEOE (Confederación Española de Organizaciones Empresariales) l’estime à 1,2 milliard d’euros. Mais c’est sans compter les énormes revenus qu’ils génèrent dans les secteurs liés aux loisirs, voyages et commerces. Nombreux sont d’ailleurs les magasins, à Barcelone et ailleurs, qui ouvriront les jours fériés et dimanches de décembre.
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Une étude menée en Allemagne révèle aussi un autre atout des jours fériés : le bien-être émotionnel. « Il existe une corrélation positive entre le nombre de jours fériés et le temps passé à socialiser, y compris en semaine. L’existence d’un plus grand nombre de jours fériés permet de cultiver des relations sociales plus nombreuses et de meilleure qualité, ce qui se reflète ensuite tout au long de l’année », indiquent les chercheurs.
Les ponts fériés, souvent communs aux conjoints et aux enfants, permettent de planifier des voyages et des moments ensemble, souligne Barbara Driss, experte en ressources humaines à Barcelone. « Cela permet aussi aux nouveaus salariés, qui n’ont pas encore beaucoup de congés, de pouvoir souffler ». A condition, rappelle-t-elle, que tout le monde travaille au rythme des jours fériés espagnols. Car si l’entreprise opère sur le marché français et en adopte le calendrier, les ponts espagnols peuvent devenir une vraie galère pour les parents.