Dans les grandes métropoles comme Barcelone, les coachs se multiplient, et forcément, les coachés aussi. Mais d’où vient cette tendance du développement personnel au service de l’amélioration professionnelle ? Décryptage.
Photo de couverture : istock
4 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial, et ce n’est que le début. Le coaching est la star en devenir de l’entreprenariat, et c’est particulièrement vrai en Espagne, deuxième pays le plus en demande de ces services derrière le Royaume-Uni.
En effet en Espagne, 60 % des coachs exercent depuis 3 ans ou moins et selon l’Association espagnole de coaching (Asociación Española de Coaching-Asesco) seuls 27 % des coachs vivent du coaching, la plupart d’entre eux combinant ce métier avec d’autres emplois. Des chiffres peu réjouissants mais prometteurs, qui prouvent que le secteur en est encore aux balbutiements de son développement.
À Barcelone en particulier, la bulle des coachs prend de plus en plus d’ampleur, et parmi eux, un certain nombre de Français, qui briguent eux aussi une part de marché en valorisant notamment leur bilinguisme.
La capitale catalane semble être un bon nid pour ces professionnels du conseil, d’une part car la ville espagnole est un endroit choisi par beaucoup d’anciens salariés comme villégiature de leur reconversion. D’autre part, elle est le berceau d’une flopée de start-ups et autres entreprises innovantes, qui pour attirer les talents promettent des possibilités d’évolution, des formations et surtout un bien-être personnel. Deux publics en grande demande de conseils pour trouver leur chemin personnel et professionnel.
Du coaché au coacheur
Dans l’ouvrage « Aux bons soins du capitalisme – Le coaching en entreprise » paru en 2021, la sociologue à l’Université Gustave Eiffel Scarlett Salman décrypte et remonte aux origines du coaching en France. Une activité définie comme « l’accompagnement de personnes pour le développement de leurs potentiels et de leurs savoir-faire dans le cadre d’objectifs professionnels ».
Olivier Mormin est Français, il vit à Barcelone depuis 7 ans et s’est glissé depuis peu dans cette brèche du coaching, exerçant en indépendant depuis plus d’un an. Et Olivier correspond en tous points au profil-type du coach, décrit par Salman comme un ex-salarié d’une grande entreprise entre 45 et 55 ans, ayant dans la majorité des cas déjà été coaché.
Le métier de coach est une profession très homogène, qui trouve dans cette reconversion une utilité à sa longue carrière, explique notre sociologue : « en demeurant dans le champ de l’entreprise, ils peuvent en effet valoriser leur début de carrière professionnelle et réinvestir leurs compétences, leur carnet d’adresses et leur diplôme initial. De plus, la promotion symbolique que leur apporte cette reconversion est notable, puisqu’ils aident et conseillent ceux qu’ils étaient encore hier ».
Photo : Paola de Grenet – mairie de Barcelone
C’est exactement le cas d’Olivier, qui après avoir travaillé dans l’informatique pendant une vingtaine d’années et au contact de RH – qui l’ont d’ailleurs intéressé à sa fibre sociale – a choisi de se reconvertir, utilisant notamment son expérience en entreprise pour aider ses clients. Lui propose un accompagnement de 10 ou 12 sessions pour des prix variant entre 700 et 1500 euros le programme. Lors d’une séance, ce papa de deux enfants mise sur l’écoute et le questionnement, « partant du principe que chaque personne a les ressources en elle, et qu’on aide seulement à les trouver ».
Des diplômés pas comme les autres
Serait-il alors un psychologue ? Dans la capitale du développement personnel qu’est Barcelone, les coachs trouvent en effet leur place aux côtés des professionnels de la santé mentale, mais sous un autre angle, argumente-t-il : « on ne fait pas de thérapie. La différence c’est que le thérapeute va dans le passé et répond au pourquoi, tandis que le coach s’ancre dans le présent pour répondre au comment ».
La différence, c’est aussi les diplômes. Là où un thérapeute possède un certificat reconnu par l’État, le coach, lui n’en a pas. Mais de plus en plus de coachs se diplôment, un gage de sérieux devenu quasiment obligatoire pour trouver un créneau dans ce domaine. Car si le coaching s’est professionnalisé en Europe au début du siècle, il peine encore à trouver une vraie légitimité, taxé de « charlatanisme » par ses détracteurs.
C’est toujours à Barcelone qu’Olivier a passé le diplôme de l’ICF (Fédération internationale de coaching), avec 128h de cours théoriques, 10h de mentorat puis 100h de coaching individuel à faire valider : pas une sinécure. Un programme complet mais facilement accessible à M. Tout-le-monde, si tant est qu’on ait un peu d’argent de côté, explique la sociologue, estimant que « la principale barrière à l’entrée dans le coaching est économique, car les formations coûtent cher ».
Suffirait-il alors d’un peu d’économies pour devenir coach ? Pas vraiment, estime les professionnels, qui se targuent d’apporter une vraie plus-value à leurs clients et sont persuadés de l’importance de leur métier. Les chiffres leur donne raison : 71 % des entreprises espagnoles souhaitent que le coaching contribue au développement professionnel continu et 66 % pensent que le coaching permet d’accroître les performances . Olivier, lui, en est certain, « potentiellement, le coaching est un marché de 8 milliards de personnes : on gagnerait tous à se faire coacher ».