Alors que le conflit en Ukraine dégénère et que Vladimir Poutine se fait plus menaçant que jamais, un conflit armé mondial n’est pas exclu. En cas de guerre, quelle serait la situation en Espagne ? Éléments de réponse.
Photo de couverture : (efe)
L’Espagne peut-elle être touchée par un missile provenant de Russie ?
Le président russe, Vladimir Poutine, a récemment approuvé une nouvelle doctrine nucléaire autorisant l’utilisation d’armes nucléaires en réponse à des attaques conventionnelles menaçant la souveraineté de la Russie suite à une attaque ukrainienne sur le sol russe.
2 700 km séparent Madrid des pays de l’Est de l’Europe comme la Pologne ou la Finlande, en alerte rouge face à une extension du conflit. Les gouvernements de ces pays préparent leurs populations à la guerre en diffusant des manuels d’instructions pratiques, tandis que la télévision d’État russe a diffusé des images simulant des attaques nucléaires contre plusieurs pays européens, illustrant une éventuelle réponse du Kremlin à l’OTAN.
Une récente émission de Russia-1 a diffusé une carte avec des capitales signalées en rouge comme cible potentielle d’attaques nucléaires russes. On retrouve Berlin, Varsovie, Prague, Bucarest et Paris. L’Espagne n’apparaissait pas sur la carte des attaques bien que le présentateur a affirmé que « toutes les capitales européennes étaient menacées ».
Par ailleurs, le laboratoire de radioactivité de l’Université de Coimbra, au Portugal, a évoqué la possibilité que l’explosion d’une bombe nucléaire au centre de l’Ukraine ait des répercussions jusque sur la péninsule ibérique. Les experts ont toutefois tenu à rassurer : l’impact serait limité aux effets explosifs directs, excluant la perspective d’un « hiver nucléaire ».
Les citoyens vivant en Espagne peuvent-ils être appelés aux armes ?
L’article 30 de la Constitution espagnole stipule dans son premier paragraphe que « les Espagnols ont le droit et le devoir de défendre l’Espagne ».
Son quatrième paragraphe ajoute : « Par une loi, les devoirs des citoyens pourront être réglementés en cas de grave danger, de catastrophe ou de calamité publique », ce qui inclut notamment un contexte de guerre. Parmi les lois évoquées dans cet article de la Constitution figure le Décret Royal sur la Stratégie de Sécurité Nationale de 2021. Ce texte affirme que « la culture de la Sécurité Nationale constitue un complément important au développement et à la consolidation de la Politique de Sécurité Nationale, car la sensibilisation sociale contribue à renforcer la résilience de la société et de l’État ».
En théorie, une mobilisation massive reste possible en cas de conflit majeur. Cependant, cette éventualité impliquerait des modifications législatives et une volonté politique claire, au-delà des cadres actuels. Le gouvernement privilégie aujourd’hui des actions basées sur la sensibilisation et la participation volontaire, renforçant ainsi la résilience de la société face aux menaces extérieures.
L’Espagne peut-elle rétablir le service militaire obligatoire ?
L’Espagne n’impose plus de service militaire obligatoire depuis 2001. Toutefois, l’article 30 mentionne que « la loi fixera les obligations militaires des Espagnols et régulera, avec les garanties nécessaires, l’objection de conscience et les autres motifs d’exemption du service militaire, pouvant exiger, le cas échéant, une prestation sociale de substitution ».
L’objection de conscience est encadrée par la loi espagnole. Elle reconnaît que les citoyens qui, pour des raisons religieuses, éthiques, morales ou philosophiques, refusent de participer à des activités militaires peuvent être exemptés, à condition d’accomplir une prestation sociale en lieu et place du service armé.
Ainsi, si l’Espagne reste légalement en mesure d’ordonner un service militaire en temps de guerre, cette option n’est pas explicitement envisagée dans le cadre actuel. Une telle décision nécessiterait des débats approfondis et une adhésion citoyenne à une mobilisation exceptionnelle
L’Espagne a-t-elle les moyens de se défendre ?
Les Forces armées espagnoles comptent environ 120 000 militaires en service actif. Concernant le budget de la défense, l’objectif de Bruxelles réside dans un investissement militaire des États membres à un minimum de 2% du PIB. La moyenne est actuellement de 1,85 %. En Espagne, 1,3%. Cependant, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez veut rattraper le retard.
Cette année, Madrid a augmenté son budget militaire de 19,3%. C’est la 3e plus forte progression après la Suède (+30,1%) et la Lituanie (+27,6%), deux pays placés dans la zone la plus à risque en raison de la proximité géographique avec la Russie.
Dans l’axe du Sud, éloigné mentalement et physiquement du risque d’invasion, l’Espagne est la seule nation à booster son armée. La France, l’Italie et le Portugal ne connaissent pas le même effort avec une hausse respective du budget militaire de 0,7, 2 et 0,1%. Malgré les déclarations martiales du président Macron, la France ne consacre que 1,8 % de son PIB à sa défense.
L’infrastructure des abris en Espagne : des lacunes face aux menaces modernes
En matière d’infrastructure de protection, l’Espagne dispose d’abris souterrains et de structures défensives construits pendant la guerre civile et la Seconde Guerre mondiale. Cependant, une grande partie de ces infrastructures est aujourd’hui obsolète et inadaptée aux normes modernes de sécurité et d’habitabilité nécessaires en cas de conflit majeur.
Contrairement à des pays comme l’Ukraine, l’Espagne n’a pas investi dans la modernisation de ces abris principalement construits dans les années 1930 et 1940. Aujourd’hui, ils seraient totalement inefficaces contre des menaces nucléaires, biologiques ou chimiques.
Contrairement à des pays comme la Suisse, qui possède une infrastructure moderne permettant d’abriter l’intégralité de sa population, l’Espagne n’a pas adopté de mesures similaires. En Suisse, la loi impose l’inclusion d’abris dans toutes les nouvelles constructions et garantit leur maintenance régulière. En Espagne, aucune législation comparable n’existe, et aucun gouvernement récent n’a lancé de programme significatif pour construire ou moderniser des abris destinés à la protection civile en cas de guerre.
La population espagnole prend-elle au sérieux un risque de nouvelle guerre mondiale ?
Oui. 57 % des Espagnols interrogés estiment probable l’éclatement d’une troisième guerre mondiale dans les trente prochaines années, contre 31 % qui rejettent cette idée, selon une enquête intitulée « Incomunicación, comunicación y comunicaciones », menée par le forum indépendant Periodismo 2030 en collaboration avec la Fondation AXA et Metroscopia.
Par ailleurs, 70 % des 3 000 participants de cette enquête prévoient que des cyberattaques pourraient paralyser des secteurs économiques majeurs à l’avenir. Ce chiffre reflète la crainte grandissante des vulnérabilités numériques dans un monde de plus en plus connecté. Enfin, la moitié des personnes interrogées pense que la démocratie, telle qu’on la connaît aujourd’hui, sera remplacée par d’autres systèmes d’ici au milieu du siècle.