Le magnifique bâtiment de la fondation Joan Miró accueille cet hiver une exposition temporaire, un dialogue entre Joan Miró, le surréaliste catalan, et Henri Matisse, le fauviste français. Couleurs, lignes intenses et amitié transfrontalière : un duo détonnant et inspirant.
L’un est le père du fauvisme, l’autre est chef de file des surréalistes. L’un Français, l’autre Espagnol. L’un est né en 1869, l’autre 24 ans plus tard. De prime abord, Henri Matisse et Joan Miró n’ont donc pas grand-chose en commun. Pourtant, les deux s’admirent, s’inspirent, et des décennies plus tard les voilà réunis à Barcelone pour une exposition duale, à la fondation Joan Miró, sur les hauteurs de Montjuïc.
L’exposition « MiróMatisse. Más allá de las imágenes », a ouvert fin octobre et se prolonge jusqu’au 9 février 2025. Construite en un parcours chronologique, l’exposition s’attache autant à la vie personnelle des peintres qu’à leur parcours artistique.
C’est en 1934, par l’intermédiaire du fils de Matisse, Pierre, devenu le marchand de Miró aux Etats-Unis que les deux hommes se rencontrent, alors respectivement âgés de 41 ans et 65 ans. Une face à face fait sur le tard, qui ne les a pas empêchés, auparavant, de se regarder et surtout de s’admirer l’un et l’autre pendant des années.
Photo : Equinox
Car chez les deux peintres résonne la même profonde envie d’« assassiner la peinture » comme le dit Miró. Un esprit critique sur le médium qui les poussera tous deux à briser les limites de ce qu’il est possible de faire. Pour Miró, Matisse est une inspiration depuis toujours, car son fauvisme aux couleurs intenses et son esprit avant-gardiste font écho en lui. De son côté, c’est vers les toiles de Miró que Matisse se tournera au tournant des années 1930, quand il vivra un moment de creux dans sa création. À son ami le poète Aragon, Matisse dira qu’il considère son collègue catalan comme un des rares « vrais peintres ».
Des intêrets communs
Tableau après tableau, dans cette courte et fascinante exposition, on retrouve des similarités dans les constructions de leurs toiles. Bien sûr, la place de la couleur, primordiale autant chez l’un que chez l’autre. Mais aussi l’intensité du trait, toujours effectué avec passion, presque force sur le tableau. On découvre aussi leurs incursions dans d’autres arts, comme le livre, avec les illustrations de Miró pour le « Ubu roi » d’Alfred Jarry, ou l’architecture à laquelle s’est essayé Matisse aux Etats-Unis.
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On apprend également l’amour de Matisse pour la Catalogne du nord et notamment Collioure, où Derain et lui ont fixé les prémices du fauvisme, ou encore la grande affection de Miró pour la famille Matisse, à laquelle il dédicace certaines toiles.
Photo : Equinox
Les peintures aériennes de Matisse et Miró ont trouvé à la fondation un écrin idéal. Le bâtiment perché sur Montjuïc vient sublimer les oeuvres des artistes, comme dans un rêve surréaliste. Sur les murs, des phrases des artistes en catalan, castillan ou en français viennent souligner à quel point les deux hommes étaient des artistes, certes, mais surtout des penseurs et des critiques insatiables.
Chacun à sa manière a réussi l’exploit de déconstruire son art dans un éternel recommencement, mais toujours haut en couleur.