En Espagne, le taux de propriétaires est d’environ 75 % en 2024, ce qui signifie que trois quarts des ménages possèdent leur propre logement. Ce chiffre est en légère baisse par rapport aux années précédentes, où il atteignait environ 87 %. L’Espagne reste l’un des pays européens avec le taux de propriétaires le plus élevé. Ce qui complique le marché de la location dans les grandes villes comme Barcelone, Ce chiffre reflète une culture profondément ancrée de la propriété immobilière.
Le marché locatif à Barcelone aujourd’hui parait complètement fou. Des prix hors de contrôle, en moyenne 1.000 euros pour un studio. Une jungle : pour un seul appartement mis en location à Barcelone, il y a 43 demandes, estime le Syndicat des Locataires. La concurrence est donc rude pour parfois se retrouver avec un logement surcoté avec une qualité discutable.
Si l’ambiance est si tendue, c’est que l’Espagne revient de loin avec son rapport au logement. À Barcelone en 1931, avant la dictature et avec la gauche au pouvoir, la police chargée d’exécuter les expulsions avait pour habitude de jeter les meubles dans la rue des familles expulsées. Cependant, les voisins avec un esprit solidaire remontaient les meubles. En réponse, les agents de police jetaient le mobilier par les fenêtres et les balcons.
Barcelone, est aujourd’hui saturée au niveau de son parc locatif. La capitale de la Catalogne est victime de son succès et attire des expatriés du monde entier. Barcelone a déjà connu un afflux massif de population à l’occasion de l’Exposition universelle de 1929. Des gens, souvent venus des campagnes qui venaient pour travailler. Mais une fois l’événement terminé, les emplois se sont raréfiés. Avec la propagation de la Grande Dépression en Espagne, les impayés de loyers ont explosé, quadruplant les expulsions dans certains quartiers de la ville.
« Nous voulons une société de propriétaires, non de prolétaires ».
L’Espagne des années 1930, 1940 et 1950 n’était pas encore un pays de propriétaires, mais une société de locataires : jusqu’aux années 1960, la moitié du parc immobilier était en location. En 1950, seuls 5 % des Madrilènes ou Barcelonais possédaient leur logement.Mais les choses allaient changer. « Nous voulons une société de propriétaires, non de prolétaires ». Ces mots ont été prononcés par José Luis Arrese, ministre du Logement, en 1951, lors d’un discours devant le Parlement remplis uniquement de députés franquistes.
À la fin des années 1950, en pleine dictature, douze millions d’Espagnols (soit 40 % de la population de l’époque) ont changé de domicile entre 1951 et 1975, principalement en migrant des campagnes dévastées vers les grands pôles économiques comme Madrid, Barcelone ou le Pays basque. Avec ces mouvements, le phénomène des bidonvilles est apparu, rendant la situation potentiellement ingouvernable pour le gouvernement franquiste, particulièrement attaché à l’ordre public.
Pour mettre fin à cette migration, la loi de 1954 a permis la construction de millions de logements sociaux en finançant 60 % de leur valeur. Avec une particularité : l’aide n’était pas directement destinée aux Espagnols, mais aux opérateurs privés chargés de construire ces immeubles de plusieurs étages, de qualité esthétique et technique médiocre, qui entourent aujourd’hui les grandes villes espagnoles d’une ceinture de béton. Par exemple la Ciutat Meridiana de Barcelone. C’est pour cette raison, qu’il y a encore dix ans, on pouvait encore voir des plaques sur les façades de certains immeubles qui signalaient que la bâtisse a été construite par le gouvernement. Jugée comme une apologie de l’ancien régime dictatorial, une loi a été votée pour retirer toutes ces plaques de l’espace public.
Deuxième acte : entre 1961 et 1975, le deuxième Plan national du logement s’est soldé par la construction de quatre millions d’appartements. De nombreuses familles fortunées, grâce à leur coopération directes ou indirectes avec les autorités franquiste, on acquit ces logements. La classe aisée devient ainsi unanimement propriétaire. Dans le concept du logement pour tous, Franco a créé une banque nationale pour accorder des prêts hypothécaires aux couches populaires qui n’obtenaient pas de crédits dans leurs établissements bancaires privés.
Franco semble s’être inspiré de la pensée libérale classique de tradition anglo-saxonne, la société devait être un « pays de propriétaires ». Ainsi, les citoyens seraient davantage enclins à adopter des positions conservatrices, cherchant à protéger leur patrimoine.
Depuis cette époque, la société espagnole, garde une certaine vision sur le logement et se tend lorsqu’il devient locatif et que la demande dépasse sans aucune mesure l’offre.