Comment l’apprentissage des langues étrangères rend-il plus tolérant

L’apprentissage des langues étrangères présente de nombreuses vertus telles que la créativité, la tolérance ou encore la concentration. Retour sur les bienfaits insoupçonnés d’être polyglotte.

L’apprentissage des langues étrangères présente de multiples avantages. La recherche prouve, par exemple, que les personnes âgées qui parlent plusieurs langues sont moins susceptibles de développer des symptômes de démence sénile. Le cerveau bilingue se laisse également moins distraire, et l’apprentissage des langues étrangères améliore aussi la créativité. On sait aussi qu’après voir appris une première langue étrangère, il est moins difficile d’en apprendre d’autres.

Pourquoi est-il si important d’étudier les langues étrangères à l’université ? La linguiste Amy Thompson a étudié les bénéfices cognitifs et émotionnels de l’apprentissage des langues. Cet apprentissage linguistique  permet d’ouvrir les yeux sur d’autres façons de faire, ce qu’on nomme « compétence culturelle ». L’autre gain lié à cet apprentissage est en rapport avec l’aisance plus ou moins grande à se retrouver dans une situation peu familière, que l’on nomme « tolérance à l’ambiguïté ».

Compréhension interculturelle

La compétence culturelle est essentielle, dans un monde de plus en plus globalisé. Mais comment l’apprentissage des langues permet-il de la renforcer ? La réponse est à chercher du côté des différents types d’intelligence. Les recherches sur l’intelligence menées par le psychologue Robert Sternberg décrivent deux types d’intelligence et la façon dont elles sont liées à l’apprentissage d’une langue chez l’adulte. Ce qu’il nomme « intelligence pratique » est comparable à l’intelligence sociale, car elle aide les individus à comprendre les informations non explicites de leur environnement, comme certains gestes chargés de sens ou d’autres éléments socialement signifiants.

Apprendre une langue, c’est forcément s’imprégner de cultures différentes. Les étudiants piochent des éléments culturels associés à la langue pendant les cours, mais aussi au fil de leurs expériences d’immersion. Les chercheurs Hanh Thi Nguyen et Guy Kellogg ont démontré que lorsque leurs étudiants apprennent une langue, ils développent de nouvelles façons de comprendre une culture différente de la leur à travers l’analyse des stéréotypes culturels. Ils expliquent ainsi que « l’apprentissage d’une nouvelle langue implique non seulement l’acquisition d’éléments linguistiques, mais aussi l’intégration de nouvelles façons de penser et de nouveaux comportements ». Avec l’aide de leur professeur, les étudiants peuvent s’exercer à développer une pensée critique sur les stéréotypes associés à différentes cultures, qu’il s’agisse de nourriture, d’apparence ou de façons de converser.

À la rencontre de l’inconnu

L’autre façon dont l’apprentissage des langues améliore la tolérance est en lien avec la « tolérance à l’ambiguïté ». Une personne dotée d’une haute tolérance à l’ambiguïté trouve les situations inhabituelles plus excitantes qu’effrayantes. Les recherches d’Amy Thompson sur la motivation, l’anxiété et les croyances démontrent que l’apprentissage des langues améliore la tolérance à l’ambiguïté, en particulier quand la personne parle plus d’une langue étrangère. Le phénomène est assez simple à comprendre. Toute conversation dans une langue étrangère implique l’utilisation de mots inconnus.

Cyane Morel
Photo : Cyane Morel 

Si l’un des interlocuteurs passait son temps à interrompre l’échange pour dire « Attendez, je ne connais pas ce mot. Laissez-moi le chercher dans le dictionnaire », il serait difficile de discuter. Les personnes dotées d’une haute tolérance à l’ambiguïté ne ressentent aucune gêne à poursuivre la conversation bien qu’elles ne comprennent pas tous les mots. Les linguistes de terrain Jean-Marc Dewaele et Li Wei étudient également cet aspect, et pour eux, il ne fait aucun doute que l’apprentissage de plus d’une langue étrangère accroît sensiblement la tolérance à l’ambiguïté. Ce que change cette faculté de compréhension Une haute tolérance à l’ambiguïté comporte beaucoup d’avantages.

Les vertus insoupçonnées de l’apprentissage des langues

Elle aide les étudiants à limiter leur anxiété dans le cadre de la vie en société et facilite leurs futures expériences d’apprentissage des langues. Sans surprise, plus une personne est habituée à apprendre des langues, plus elle est à l’aise avec l’ambiguïté inhérente à cet apprentissage. Mais ce n’est pas tout. Les personnes dotées d’un haut biveau de tolérance à l’ambiguïté ont l’esprit d’entreprendre ; elles sont plus optimistes, plus portées sur l’innovation et la prise de risques.

La plupart des universités américaines ont une exigence minimale en matière d’enseignement des langues étrangères, qui varie en fonction de la majeure de l’étudiant. L’université de Princeton, au contraire, a annoncé récemment que tous les étudiants, quel que soit leur niveau de langues quand ils entrent à l’université, doivent désormais apprendre une langue étrangère. Selon Amy Thompson, les autres universités devraient suivre l’exemple de Princeton, car l’apprentissage d’une langue au niveau universitaire pourrait mener à une plus grande tolérance des cultures diversifiées que l’on retrouve  par exemple dans la société américaine, tolérance dont nous avons grand besoin au vu du climat actuel, tandis qu’une vague de crimes haineux frappe les campus du pays.

Les langues étrangères comme arme

La connaissance d’autres langages est une clé indispensable pour le citoyen d’aujourd’hui, dans un monde globalisé. Comme l’ancienne secrétaire d’État à l’éducation Anne Duncan l’a si justement dit, « Notre pays a besoin de créer un avenir dans lequel tous les Américains comprendront que le fait de parler plusieurs langues permet à notre pays de rester dans la course et de travailler main dans la main avec nos partenaires, partout dans le monde. » Puisque nous savons que l’étude des langues étrangères améliore la tolérance, la question n’est plus « Pourquoi faudrait-il apprendre les langues étrangères à l’université » mais plutôt « Pourquoi diable ne le ferait-on pas ? ».

Amy Thompson, professeur de langues appliquées et de langues du monde, de littérature, linguistiques au sein de l’université West Virginia.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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