Neufs colocs et sept nationalités, des amitiés et des amours, des rires et des soirées, ce que décrivait Klapisch dans « l’Auberge espagnole » est toujours d’actualité. Reportage au coeur de la vraie auberge espagnole, à Barcelone.
Photo de couverture : Eve Fumey-Séguy
Le film de Cédric Klapisch a beau dater d’il y a 22 ans, les colocs Erasmus XL de Barcelone existent encore, et presque exactement comme il le décrivait à l’époque. Dans ce grand appartement de l’Eixample, ils sont 9, trois Allemands, un Tchèque, une Libanaise, un Iranien, un Turco-Finlandais, une Française et une Italienne. À eux tous, ils parlent 6 langues, mais communiquent en anglais. Âgés de 20 à 26 ans et encore étrangers il y a quelques mois, ces jeunes étudiants ou déjà salariés ont construit à leur manière une famille internationale, joyeuse, et quelque peu bordélique.
« C’est la meilleure chose qui aurait pu m’arriver », explique Tim, 20 ans, le plus jeune de la coloc. Assis autour d’une longue table avec ses désormais amis, l’Allemand, grand yeux bleus et cheveux blonds, tout juste sorti de l’adolescence, vante les mérites de la vie à 9 : « vivre ici c’est avoir plein d’options d’activités, que ce soit aller faire du beach-volley, regarder un film ou aller au bar ». Comme la majorité de ses compagnons, il est arrivé dans la cité comtale pour un stage, et a plus ou moins pris cet appartement par défaut, coincé dans la jungle immobilière de Barcelone. Malgré ce choix forcé, aucun ne le regrette, et surtout pas Tina, qui y habite depuis 2 ans. La Libanaise en a vu passer, des colocataires, mais elle aime toujours ce mélange des cultures, la bienveillance et l’ouverture d’esprit de ceux qui s’y installent.
L’amitié en vitesse rapide
Avec deux salles de bain pour 9, en effet, il faut être ouvert d’esprit, et surtout pas trop regardant sur la propreté, rigole Eve, qui ricanait beaucoup moins lorsqu’elle est arrivée dans l’appartement deux semaines auparavant. « Je suis allée pleurer dans ma chambre quand j’ai vu à quel point c’était le désordre », confie-t-elle avec légéreté, maintenant qu’elle sait qu’un peu de chaos est ce qui tient l’équilibre de la colocation.
Photo : Eve Fumey-Séguy
Alors certes c’est un peu l’anarchie, mais ce que chacun retient ce sont surtout des moments de convivialité, continue la Française : « je pense qu’un des meilleurs moments, c’était juste de regarder un film tous ensemble dans le canapé, comme une famille ». Une drôle de famille reconstituée, dont la plupart des membres est arrivée en septembre. Et c’est sûrement cette temporalité qui fait que les 9 compères sont si proches : quand on ne connait encore personne, on noue mieux des liens. « Oui, mais quand même, à autant de personnes on aurait pu se détester », rétorque Onni, le Turco-Finlandais, 22 ans, grand sourire et cigarette à la bouche. Il a raison. L’amitié que chacun se porte est évidente et l’atmosphère de franche sympathie est presque palpable, exprimée avec la passion caractéristique des relations éphémères. Presque tous quitteront la ville d’ici 5 mois, pour rentrer dans leur pays et finir leurs études, sauf ceux et celles qui travaillent pour de bon à Barcelone.
Chez ceux-là, on sent une pointe d’inquiétude derrière l’humour, alors qu’Eve (qui elle, reste plus longtemps) nous le confirme : « ‘Tu restes combien de temps ?’ C’est la première question qu’on se pose dès qu’on rencontre des gens ». C’est toujours plus dur pour ceux qui restent. Mais si Klapisch est visionnaire, tant mieux pour eux : après « l’Auberge espagnole », il y a eu deux films. On leur souhaite une aussi belle suite.