Le 12 octobre est la fête nationale espagnole. Une célébration qui a changé trois fois de nom au cours de son histoire.
Photo : Equinox
Utilisé par plus de 500 millions de personnes, l’espagnol est la deuxième langue la plus parlée au monde, après le chinois. Le 12 octobre, on ne célèbre donc pas seulement l’Espagne, mais son rayonnement international, sa diversité et sa richesse.
Entre polémiques et célébrations
Nous le savons tous : Christophe Colomb a « découvert » l’Amérique en croyant se rendre en Inde. Pire que ce collègue qui, fraîchement débarqué à Barcelone, sort son téléphone à chaque coin de rue, l’explorateur naviguait sans l’aide de Waze, ce qui peut expliquer sa confusion en débarquant le 12 octobre 1492 sur les côtes du continent américain.
Un peu à la manière de Monsieur Jourdain qui parle en prose sans le savoir, Colomb effectua quatre voyages en « Inde » avant de mourir. Pour saluer cet exploit, on lui érige une statue face à la mer, au bout de la Rambla, sur la Plaça del Portal de la Pau. Pourtant, ce n’est pas de Barcelone qu’il est parti pour son premier voyage, mais de Palos de la Frontera, en Andalousie. C’est toutefois la ville catalane qui l’accueille à son retour en 1493, où il rencontre les Rois catholiques, qui avaient financé son voyage.
Alors, pourquoi célébrer une fête aux relents colonialistes et un navigateur italien dont l’arrivée a marqué le début d’une époque de carnages et de maladies en Amérique, dans une ville qui est la capitale de la province la plus farouchement indépendante du pays ?
Rappelons que le 12 octobre s’appelait à l’origine – à l’initiative du ministre conservateur du monarque Alfons XIII, Faustino Rodríguez-San Pedro – Día de la Raza (jour de la Race). Une appellation controversée et obsolète qui fit place au Día de la Hispanidad (Jour de l’Hispanité) sous Franco et qui changea à nouveau en 1987 pour être renommée simplement Fiesta Nacional (Fête nationale).
S’il s’agit d’un jour férié en Espagne, ce n’est pas le cas en Amérique du Sud où le 12 octobre marque une journée de luttes pour la reconnaissance des cultures autochtones. En Argentine, il s’agit de la journée du respect de la diversité culturelle, au Chili, du jour de la rencontre entre les deux mondes, au Venezuela de la journée de la résistance indigène et au Mexique, de la journée de la nation multiculturelle.
Une langue, des cultures
Comme le rappellent avec humour les frères colombiens du groupe Inténtalo Carito dans leur chanson Qué difícil es hablar español, le castillan est parlé dans 21 pays et (au moins) de 21 manières différentes. Ajoutez à cela les subtilités régionales, et vous obtiendrez autant de jeux de mots et de malentendus qu’il est possible d’en imaginer.
À Barcelone, la vie ne serait pas la même sans déguster un pan de bono, aussi doux que l’accent de la boulangère colombienne qui vous a sobrement surnommé « cielo ». Les débuts de soirée seraient bien ternes sans les restaurants mexicains où tacos et micheladas remplacent les sempiternelles tapas et cañas. Les nuits perdraient leur charme sans les bars à salsa, les soirées tangos, et les clubs de perreo. Imaginez vivre dans une ville où la seule danse autorisée serait les sardanes ! Et sans Shakira, la presse people ne serait-elle pas d’un ennui mortel ?
Rappelons aussi que six hispanophones ayant reçu le prix Nobel de littérature sont des auteurs d’Amérique latine contre cinq espagnols.
Culinaire, musical, littéraire, linguistique… malgré ses racines coloniales, le 12 octobre célèbre un patrimoine dont la richesse repose sur sa diversité, et se veut chaque année, plus inclusif pour rendre un vibrant hommage aux mille et une facettes du monde hispanophone.