Retourner travailler au bureau ? Impensable pour beaucoup d’expats barcelonais qui chérissent leur vie de télétravailleur plus que tout. Pourtant, la tendance est maintenant au présentiel, malgré la colère grandissante de nombreux employés.
Photo de couverture : Vicente Zambrona González – mairie de Barcelone
La majorité des expats est unanime : le télétravail est essentiel. Que ce soit pour rentrer en France pour voir ses amis et sa famille, ou simplement par habitude d’un confort rentré dans nos quotidiens depuis le Covid, le télétravail est tout simplement devenu un besoin. Sauf que. Sauf que depuis peu, les entreprises rétropédalent et font revenir leurs employés au bureau. Et ce n’est clairement pas du goût de tout le monde.
« Je sens que je perds de la liberté. Et je vois que les gens commencent à être fatigués d’y aller », témoigne Laura*, expat française à Barcelone, originaire de Montpellier. Depuis un an, la trentenaire travaille au marketing d’une entreprise de personnalisation d’objets. À l’embauche, le télétravail quasi-total (obligation de ne se présenter au bureau que deux fois par mois) avait clairement fait pencher la balance. Mais aujourd’hui ces droits sont révoqués, et l’entreprise a décidé du retour au bureau deux jours par semaine.
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Un changement qui chamboule les habitudes de Laura et qu’elle ne comprend pas : « ils ont dit que c’était pour une meilleure cohésion entre les équipes, créer des liens, pour faire du teambuilding, mais en réalité c’est qu’ils ont peur de perdre le contrôle ». Il est vrai qu’au niveau de la cohésion entre équipes, le retour au bureau n’a pas de sens pour beaucoup d’employés qui travaillent avec des personnes installées aux quatre coins du monde et donc continuent les réunions en visioconférence.
C’est le cas de Laura, avec des collègues qui sont basés aux bureaux de Londres, Paris ou Amsterdam, et c’est aussi la situation de Gabriel, expat Barcelonais qui travaillait jusque récemment chez Amazon, dans une équipe « éparpillée en Europe ».
Une excuse pour licencier sans dépenser
L’exemple d’Amazon est sans doute le symptôme le plus éloquent de ce changement de moeurs. Le géant américain annonçait début septembre le retour en présentiel obligatoire pour tous ses employés à partir de janvier 2025. Heureusement pour lui, Gabriel l’avait vu venir, et a démissionné dès mai 2024, quand l’entreprise avait décidé du présentiel 3 jours par semaine, sans regrets : « leur décision a été assez mal accueillie, et a clairement été prise pour que les employés démissionnent ».
Cette intuition du licenciement économique déguisé est partagée par Laura, qui estime d’ailleurs que la technique fonctionne assez bien : certains de ses collègues ont déjà quitté le navire. Il y a aussi, chez Amazon, un souci immobilier, précise Gabriel, qui explique que l’entreprise a fait de nombreux investissements dans des bureaux pré-Covid, investissements « qu’ils doivent rentabiliser dorénavant ».
Photo : Álex Losada – mairie de Barcelone
Aujourd’hui, Gabriel travaille dans une entreprise 100% à distance et aime profiter de sa vie de quartier à Horta, de ses allers-retours en France ou ailleurs pour voir sa famille et surtout de pouvoir aménager son temps comme il le souhaite. Comme beaucoup d’autres, il croit fermement en la valeur ajoutée du télétravail, « quand cela est mis en place sérieusement, avec des personnes conscientes des implications. Le bénéfice est mutuel, les employés gagnent du temps de vie et sont donc plus heureux au travail et les entreprises économisent des frais logistiques et immobiliers ».
Pourtant, la fin du télétravail semble être inévitable. Selon une étude récente du cabinet de conseil KPMG CEO Outlook, 78 % des PDG des principales entreprises espagnoles pensent que, dans trois ans, le modèle de travail en face-à-face sera complètement rétabli.
Une situation qui semble difficilement imaginable, estime Laura : « les nouvelles générations sont exigeantes. Les entreprises essaient d’en reprendre le contrôle et de revenir en arrière, mais je ne pense pas qu’on puisse avoir un retour au travail comme avant le Covid. Enfin ça dépend des boites, celles qui ont un nom et des moyens peuvent encore attirer les talents, mais c’est un critère non-négligeable pour d’autres entreprises qui n’ont pas d’image de marque suffisamment solide ».
*(le prénom a été changé)