L’enfant libre : l’éducation à l’espagnole

Equinox Barcelone enfants

Le rapport des Espagnols aux enfants est bien différent de celui des Français. Plus d’indépendance et moins de règles, décryptage d’une société où l’enfant n’est pas roi, mais déjà un individu à part entière.

Photo de couverture : Júlia Arnau – mairie de Barcelone

À la Mercè ou pendant toute autre fête traditionnelle espagnole, il n’est pas rare de voir des enfants enfiler les costumes de géants ou de les regarder évoluer dans des correfocs (spectacles pyrotechniques ambulants). Et tous comme les adultes, ces petits bouts manient les feux d’artifice ou dansent sous les têtes de géants (10 kilos à porter tout de même) sans sembler se soucier le moins du monde du possible danger de la situation. À leurs côtés, les parents surveillent, bienveillants, mais les laissent très autonomes.

Autre décor, même constat, dans les salles d’escalade barcelonaises, très populaires et aimées des familles. Les petits s’élancent à 15 mètres – assurés bien sûr – avec une confiance hallucinante de la part de leurs parents, qui les laissent vagabonder le temps d’effectuer eux-mêmes leur grimpe. Désinvolture ? Pas du tout, simplement une croyance indéfectible en son enfant comme individu digne de confiance. Et en cas de désaccord avec ce dernier en public, jamais de cris, pas de claques ou de fessées. Les enfants sont considérés avec le même respect que les adultes.

Une liberté acquise après la dictature

Cette manière d’élever leur progéniture sans sévérité viendrait de l’histoire douloureuse du pays, nous explique Marina Subirats, sociologue : « l’Espagne ayant été une dictature très rigide pendant 40 ans, il y a eu, pendant la transition, un mouvement de rejet des règles, qui étaient considérées comme des impositions de la dictature, et il y avait un besoin de liberté ». Un besoin de liberté qui se traduit aujourd’hui par une vision plus horizontale du rapport au mineur. Là où en France, les relations parents-enfants sont en général assez verticales et hiérarchiques, la famille espagnole se structure davantage comme des liens d’individu à individu.

Ceci expliquerait aussi pourquoi les enfants restent vivre plus longtemps que leurs camarades européens chez leurs parents. Considérés comme des petits adultes dès le départ, la transition entre l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte est moins violente pour l’entourage.

À l’école aussi les règles sont souples, et la liberté le principe primordial. L’Espagne est d’ailleurs en 2023 le treizième pays du monde avec l’indice de liberté éducative le plus haut, derrière la Belgique et le Chili mais devant la France ou les Etats-Unis, rapporte le classement effectué par l’Université internationale de La Rioja (UNIR) et l’ONG spécialisée dans le droit à l’éducation et la liberté d’enseignement, l’OIDEL.

Une position qui n’étonne pas la sociologue. Elle aussi remarque qu’après Franco « une grande partie du personnel enseignant estimait que les règles de l’école étaient imposées aux enfants et qu’il fallait leur accorder beaucoup plus de liberté. Non seulement les punitions, mais aussi toute forme de discipline ont été rejetées comme étant imposées ». En parallèle, de nombreuses écoles alternatives avec des méthodes d’apprentissage positives comme le système Montessori ont fleuri dans le pays, renforçant l’idée d’une pédagogie souple. Un phénomène qui croit, puisque l’Espagne comptait 40 écoles du genre en 2013 contre 800 aujourd’hui.

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Photo : Joanna Chichelnitzky – mairie de Barcelone

Mais ce système très axé sur la volonté de l’enfant peut poser ses problèmes, continue Marina Subirats : « en Espagne, en général, il y a une attitude très permissive envers les enfants dans les écoles, pour les raisons que j’ai expliquées […], cela a des avantages mais aussi des inconvénients, car nous constatons aujourd’hui que la jeune génération manque largement de discipline et même de règles de coexistence et de civilité ».

Selon elle, l’absence de règles fait notamment surgir des problèmes de violence à l’école, et les chiffres lui donnent raison. En 2021, l’INE a constaté une augmentation de 20% de condamnation à l’encontre de mineurs pour des comportements criminels par rapport à l’année précédente.

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