Le nombre de Français dans la capitale catalane semble en constante augmentation. Pourtant, sur les registres, la hausse reste modérée. Décryptage.
Un mercredi matin de la fin du mois de septembre, sur une terrasse privée à deux pas du lycée français, quelques bénévoles organisent le désormais traditionnel café de rentrée. A l’arrivée, chacun se voit attribuer une étiquette avec son nom et une gommette choisie selon le quartier de résidence. « Comme ça, on peut aller à la rencontre de ses voisins », nous glisse-t-on.
Près de 200 assistans ont répondu présents, des « anciens » sont venus accueillir les nombreux nouveaux arrivants, majoritairement ici des mères de famille. Marie a débarqué il y a 3 semaines avec mari et enfants, et est encore à peine sortie de son quartier de la Dreta de l’Eixample. Comme beaucoup, elle est venue ici pour le soleil et la douceur de vivre. Pour le travail, elle cherchera plus tard. « A chaque rentrée, il y a toujours une nouvelle vague d’arrivants, mais cette année encore plus », entend-on à l’entrée de l’événement. Sur les groupes whatsapp de Français de Barcelone, l’activité est aussi à son maximum en ce début d’année. Avec un point noir pour de nombreux nouveaux Barcelonais : le logement.
Le prix des loyers ne cesse d’augmenter tandis que le parc locatif destiné aux résidents ne cesse de se réduire. Selon lvaro Otal Montasell, de l’entreprise de relocation Expatriacíon, c’est près d’un projet de déménagement à Barcelone sur cinq qui n’aboutit pas à cause du prix et de la disponibilité des logements. « Il n’y a plus de logements mis à la location », confirme Audrey Marin-Laflèche, qui accompagne les expatriés dans leur installation via son agence Plug & Play. La cheffe d’entreprise doit désormais jouer des coudes pour trouver un appartement à ses clients, qui ont pourtant de confortables budgets. Et se demande dans quelle mesure cela freine les arrivées.
Malgré cela, toutes les structures françaises de la ville confirment un nouveau boom : associations d’accueil aux familles, French Tech, clubs d’entrepreneurs et commerçants français. « On reçoit énormément de demandes d’informations, en particulier de familles et d’entrepreneurs », nous confie un bénévole d’association d’accueil.
Un calcul impossible
Difficile toutefois de mesurer réellemet l’ampleur du phénomène. Sur les registres municipaux, le nombre de Français installés à Barcelone est assez stable depuis 2021 : environ 18.000. Mais nombreux sont les expats qui ne prennent pas la peine de s’enregistrer auprès du padrón, parce qu’ils travaillent pour une entreprise française ou en freelance et n’en voient pas l’utilité. D’autres galèrent à obtenir leur NIE, le numéro d’identification d’étranger indispensable pour toute démarche administrative et ne peuvent pas se faire recenser.
Même son de cloche au Consulat de France, qui peine à dénombrer ses ressortissants puisque l’inscription consulaire n’est pas obligatoire. Hier soir encore, la consule générale Azar Agah-Ducrocq recommandait lors d’un événement de la French Tech de s’inscrire auprès de l’institution. La moitié de l’assistance ne l’avait pas fait.
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Pour tenter ce calcul impossible, une équipe de data analystes français de la Wild Code School s’est récemment penchée sur le sujet et a croisé plusieurs sources permettant d’ évaluer le nombre de Français à Barcelone. Au terme d’une étude soignée, elle a estimé la communauté française de Barcelone à 57.000 personnes en 2024.
Un chiffre très possiblement encore sous-évalué en raison du nombre d’expatriés passant sous les radars des administrations. Selon certaines institutions, le chiffre réel pourrait allègrement dépasser les 60.000. Une estimation confirmée par la fulgurante augmentation des commerces et services proposés dans la langue de Molière, des coiffeurs aux cafés-théâtre en passant par les bars ou groupes d’entraide.