En Espagne, être mère n’est pas le Saint-Graal. Les femmes font moins d’enfants ou plus tard que dans le reste du monde, ce qui occasionne une baisse importante de la démographie. Quelles en sont les raisons ?
Photo de couverture : Álex Losada – mairie de Barcelone
6,6 %. C’est le taux des femmes espagnoles devenues mères après 40 ans. Non seulement il s’agit du chiffre le plus élevé d’Europe, mais aussi du monde entier. Et en plus de ce pourcentage étonnant, la démographie ibérique est parmi celles qui déclinent le plus, et le plus vite : elle a baissé de moitié entre 1975 et 2019, passant de 2,8 à 1,24 enfants par femme. Comment expliquer ce phénomène ?
Dans le passé, les femmes qui travaillent ont toujours eu moins d’enfants, ou plus tard que celles qui n’ont pas la chance – ou le désir – d’exercer un métier. Aujourd’hui, presque toutes les femmes sont employées et donc, logiquement, c’est désormais le domaine, l’ambition et le poste occupé qui déterminent la volonté d’avoir une grossesse ou non. Les femmes avec des carrières plus prometteuses ou qui occupent des postes à responsabilité sont moins susceptibles de vouloir avoir des enfants, ou bien le font plus tard, lorsque leur vie professionnelle est déjà assurée. Une sécurité financière pour des Espagnoles qui doivent composer avec des politiques publiques avares. En effet, le gouvernement n’octroie que très peu d’aides sociales aux foyers, voire pas du tout.
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À ce problème financier s’ajoute celui du logement. Un facteur déterminant puisque les loyers explosant dans tout le pays, les jeunes restent vivre de plus en plus longtemps chez leurs parents. Et sans appartement ou maison à soi, impossible de rêver à une famille nombreuse.
Le féminisme en action
« Nous avons également constaté une acceptation croissante des formes et séquences familiales non traditionnelles. Il y a eu un changement générationnel, en particulier chez les femmes », explique à El Confidencial Marta Séiz, chercheuse en sociologie et autrice de « L’évolution des normes sociales concernant les transitions familiales en Espagne ». En effet, cette évolution des comportement vis-à-vis de la maternité s’explique aussi par un profond changement dans les moeurs espagnoles. Les générations modernes n’ont plus le même regard qu’auparavant sur les femmes sans enfants. S’il était autrefois mal vu de rester seule ou en couple, mais sans jamais être enceinte, c’est un statut désormais bien plus accepté. De la même manière, les grossesses tardives, ou seules, ne choquent plus.
Photo : Martí Petit – mairie de Barcelone
Cette ouverture d’esprit made in Spain n’est pas surprenante. L’Espagne est une nation féministe, pionnière en terme de protection des femmes et ici, plus qu’ailleurs, on reconnaît le droit de ces dernières à disposer de leur corps. Mais ce féminisme pose un autre souci pour la procréation, chez les femmes hétérosexuelles en tout cas : trouver un partenaire. Nous en avions parlé dans un précédent article, les femmes espagnoles souffrent du déficit masculin.
Elles cherchent un homme aussi éveillé qu’elles aux problèmes de la charge mentale ou de la parité dans les tâches domestiques, et malheureusement, ne le trouvent pas. Ce manque de cohérence entre hommes et femmes entraine une baisse du nombre de couples ou de mariages, et fatalement, la baisse des natalités, qui sont encore majoritairement envisagées dans le cadre du couple marié.
Cette baisse de naissances est-elle pour autant une fatalité ? Pas forcément, puisqu’elle est le souhait des Espagnoles. Une chute de la démographie n’est à proprement parler une catastrophe que lorsqu’elle n’est pas voulue. Pour le moment, il y a donc moins de bébés, mais autant de femmes comblées, avec ou sans enfants.