La biennale d’art contemporain Manifesta 15 s’installe dans divers sites à Barcelone et ses alentours du 8 septembre au 24 novembre. Parmi tous les lieux investis, Equinox est allé visiter l’usine désaffectée des Trois Cheminées de Sant Adrià de Besòs, reconvertie en site futuriste.
Photo de couverture : Vicente Zambravo – Ajuntament de Barcelona
Quel habitant de Barcelone n’a jamais été intrigué par cette drôle de masse architecturale, installée le long de la plage à Sant Adrià de Besòs, dont dépassent trois pics aux formes de cheminées ? Communément appelé « la Sagrada Familia des travailleurs », le site industriel des Trois Cheminées a vu le jour dans les années 1970 et a fermé en 2011. Il aura fallu attendre 13 ans pour que l’usine rouvre ses portes, mais sous un nouveau jour.
C’est grâce à Manifesta 15 – la biennale d’art contemporain qui s’installe tous les deux ans dans une nouvelle ville européenne – que cette ancienne usine d’électricité a pu s’inventer une vie artistique. À savoir que la biennale se déroule sur 12 semaines, dans 12 villes de la région métropolitaine de Barcelone : Badalona, Cornellà de Llobregat, El Prat de Llobregat, Granollers, L’Hospitalet de Llobregat, Mataró, Sabadell, Sant Adrià de Besòs, Santa Coloma de Gramenet, Sant Cugat del Vallès et Terrassa.
Ces endroits sont divisés en groupes, tous axés sur un thème différent. « Équilibrer les conflits » pour le delta du Llobregat, « Soigner et guérir » dans la chaîne de montagnes de Collserola et « Imaginer l’avenir » autour de la rivière Besòs, dont fait partie le site des Trois Cheminées. Jusque fin novembre, les oeuvres de 16 artistes aux nationalités différentes sont réparties sur les trois étages accessibles du bâtiment.
Photo : LS/Equinox
Draps, Raval et serpent
Pour qui n’est jamais allé dans une usine, rien que le fait de pouvoir rentrer dans ce temple de béton et d’acier fait son effet. À l’intérieur, le bâtiment ouvert de parts et d’autres donne aussi une vue imprenable sur la mer, dans laquelle la rivière Besòs qui coule juste à côté vient se jeter. La découverte commence par le troisième étage, et tout de suite le son de ce qui ne quittera pas la visite se fait entendre, une sorte de bruit blanc qui fait autant penser aux entrailles d’un monstre qu’aux bruits sourds du travail en usine. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, c’est un son étonnamment relaxant, qui plonge dans l’univers futuriste de l’usine.
Au fil des salles très bien agencées, dans lesquelles tous les volumes peu habituels de la bâtisse sont brillamment exploités, on découvre des oeuvres tantôt sociales – interrogeant le passé industriel de la région et son futur écologique – tantôt poétiques, comme ces draps blancs de l’artiste américaine Asad Raza qui viennent créer un contrepoint aux murs bruts du bâtiment.
Photo : LS/Equinox
On y trouve aussi des installations vidéos parfois dérangeantes, comme celle de Jokkoo et cantdefine.me, qui explore la vie des vendeurs de métaux de Barcelone dans le Raval, ou encore celle de la Lituanienne Emilija Skarnulyté qui, au coeur de la salle des commandes, projette son film d’une autre usine cette fois dominée par un serpent géant.
Photo : LS/Equinox
Après 1h30 de visite environ, le bâtiment a livré ses secrets. Futuriste et nostalgique, le site des Trois Cheminées est un tunnel intemporel à mi-chemin entre Tchernobyl et une galerie d’art contemporain.