Bars à jeux de Barcelone : un succès en demi-teinte

Assez répandus en France, les bars à jeux peinent à s’intégrer dans le paysage barcelonais. Différences de culture ou manque de public ? Analyse.  

Au Queimada Nivell Q, bar historique de l’Eixample, pas de boissons sophistiquées ou de décor à la mode, mais un troquet à l’espagnole bien dans son jus, qui sent bon le sol qui colle et les bikinis jambon-fromage faits maison. Autour des tables, quelques duos et groupes d’amis attablés au-dessus de jeux qui ont l’air d’avoir bien vécu. Et derrière le comptoir du bar, un impressionnant mur rempli de boites qui ferait rêver n’importe quelle ludothèque. Le Queimada Nivell Q n’est pas un bar ordinaire : c’est un bar à jeux.

Si le concept de bar à jeux est populaire en France, il l’est beaucoup moins à Barcelone. Pour rappel, un bar à jeux est un bar dans lequel on trouve des jeux de société de tous types, de la stratégie au jeu de rôle, du jeu de cartes au jeu de billes. En France, ils sont vite devenus assez fréquentés par un public varié, grâce à des décorations à thème et une vraie communication autour du concept, qui a sorti le jeu de société de sa niche autrefois considérée comme « geek ».

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Photo : Equinox

« Vous avez réservé ? », demande Valentín, patron mythique du Queimada Nivell Q, installé à Barcelone depuis 1981. « C’est complet aujourd’hui, il faut appeler la veille ou sinon revenez après le 11 septembre, ce sera plus calme », continue le vieil homme, la barbe blanche et le regard malicieux de quelqu’un qui a gardé son âme d’enfant. Il est rare que les établissements barcelonais obligent voire même proposent la réservation, ici, pourtant, c’est non-négociable. La faute au très peu de bars à jeux installés dans la capitale catalane.

Florence et Timothée, deux Barcelonais de coeur y habitant respectivement depuis 10 et 2 ans et passionnés de jeux de société, sont assez d’accord « ici, la culture du jeu est moins développée qu’en France », mais elle existe. Guide touristique à la ville, Florence en témoigne, les associations de quartier sont souvent à l’initiative de soirées ludiques. Elle a bien sûr aussi entendu parler des bars à jeux, mais la seule fois où elle a voulu aller au Queimada Nivell Q, il était complet. Faute d’avoir trouvé d’autres établissements du genre, la presque quarantenaire joue chez elle et essaie d’initier ses enfants.

Lorsqu’on cherche « bar à jeux à Barcelone » sur Google, c’est vrai qu’on ne trouve pas grand-chose. Beaucoup d’anciens établissements ouverts dans les années 2010 ont fermé et désormais seulement quatre bars dédiés aux jeu de société sont répertoriés : le Queimada (Eixample), La Nena (Gràcia), l‘Archivo Arcano (Eixample) et la Cotxera. À titre de comparaison, Paris compte au moins une trentaine de ce genre d’endroits ludiques. 

Des endroits peu connus de la communauté internationale

Le nombre réduit de bars à jeux dans la cité comtale tient peut-être au mode de vie des Espagnols. Majoritairement dehors, ils ont moins que les habitants de pays froids la culture de rester chez soi à jouer au coin de la cheminée, ou de se rendre au bar pour y rester enfermé des heures.

À Barcelone, les adresses existantes ont aussi la particularité d’être peu connues du public international, tout simplement car elles n’ont pas vocation à l’être. Au Queimada, les joueurs sont presque tous Barcelonais. Ce n’est clairement pas un spot touristique, même si Martín accueille tout le monde à bras ouverts, et que son site web défend un endroit « pour tous ». Contrairement aux enseignes françaises – exception faite de l’Archivo Arcano dont la formule se rapproche davantage de ce qu’on connait dans l’Hexagone – les établissements espagnols n’emploient pas de serveurs spécifiques au concept, ces employés dont la mission est de vous présenter et de vous expliquer les règles des jeux disponibles. Et ils n’ont pas, non plus, l’envie de se transformer en lieu design pro-expats comme on peut en trouver dans le Born.

Ce qui justifierait peut-être leur non-popularité auprès des étrangers, hypothèse Timothée, 27 ans, qui travaille d’ailleurs dans le marketing du jeu vidéo : « ce genre de bar demande un sacré investissement si on veut que ça marche : un bon univers, un grand nombre de jeux et des serveurs qui peuvent expliquer les règles et conseiller, c’est un combo pas facile à trouver ». 

Un « combo pas facile à trouver » mais pas forcément nécessaire pour fonctionner dans l’écosystème barcelonais. Preuve en est le Queimada Nivell Q, 40 ans d’existence et toujours complet, sans serveur ni décoration. Et en ce qui concerne le nombre de jeux, Martín n’a pas à rougir : il en possède plus de 800.

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