Ce que notre expatriation à Barcelone dit de nous (et de la France)

Tous les lundis, Equinox laisse ses colonnes à une personnalité francophone de Barcelone, experte de son domaine. Et c’est Guillaume Rostand, président de la French Tech Barcelona, qui signe l’édito de la rentrée. 

J’habite Barcelone depuis 13 ans. Depuis mon arrivée en 2011, j’ai vu cette ville se transformer en un “Barcelon-sur-Mer”, accueillant un nombre croissant de Français venus chercher le soleil, la mer, et un mode de vie plus détendu que celui de l’Hexagone.

Il y a énormément de bonnes raisons de venir s’installer ici, et j’ai sans doute eu 350 ou 400 fois la même discussion : “Nous voulions un endroit ensoleillé qui ne soit pas loin de la France” ou “On a passé 12 ans à Singapour, on sentait le besoin de rentrer en Europe.”

Il me suffit souvent d’entendre le tout début d’une phrase pour compléter le reste du paragraphe :

  • le soleil
  • la qualité de vie
  • la proximité avec la France
  • l’énergie économico-culturelle

Ce mélange, que nous connaissons si bien, pourrait nous occuper des heures de discussion, nous laissant avec le sentiment d’appartenir à un club d’heureux privilégiés.

C’est bien. La diaspora française qui s’installe dans la capitale catalane apporte beaucoup, tant pour notre réseau que pour la ville : population travailleuse, elle contribue localement à l’emploi, aux nombreuses initiatives et participe à sa mesure à l’essor économique de Barcelone.

L’adage voulant que les Français soient plus sympas et ouverts à l’étranger se vérifie ici souvent.

Les Français de Barcelone partagent une énergie et un enthousiasme contagieux : heureux d’habiter au soleil et au bord de la mer, dans une ville ni trop petite ni trop grande, attractive et en expansion, où l’on peut élever ses enfants sans trop de contraintes, dans un environnement social rassurant.

Mais derrière cet exode, rendu possible par “l’aplatissement” du monde dont parlait Thomas Friedman en 2006 et la généralisation du télétravail depuis le Covid, n’assiste-t-on pas à une fuite ?

Notre pays d’origine est-il devenu inhospitalier, trop anxiogène, voir presque repoussant ?

C’est un peu le sentiment que nous avait laissé le début de cette année 2024 : tensions et incompréhensions politiques, élections dont on interroge le sens, quête, justement, de sens, débats sempiternels, sentiment de déclassement dans l’ordre mondial..

Heureusement, et presque magiquement, les JO sont venus effacer, fut-ce temporairement, les doutes et les craintes. Le temps de cette parenthèse enchantée, nous avons vu la France revenir au tout premier rang des nations sachant faire rêver.

Demeure néanmoins, à l’approche de la rentrée qui verra débarquer un nouveau millésime de Français à Barcelone, la question un peu lancinante de ce qui nous pousse à regarder notre nation avec un peu de méfiance et assez peu d’optimisme.

Je n’ai pas d’avis tranché : j’aime mon pays, j’adore l’Espagne. Comme beaucoup, j’apprécie d’être proche de la frontière mais en pays catalan.

Je me demande simplement si ce phénomène dit quelque chose de nous, Français vivant à l’étranger et combien nous serons dans les années à venir à vivre définitivement ici et si nous sommes nombreux à considérer un retour comme une impossibilité.

Quoi qu’il en soit : bienvenue aux nouveaux arrivants, vous verrez qu’ici nous sommes dépaysés sans vraiment l’être, et que vous aurez vite l’impression d’avoir toujours vécu ici !

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